Polynômes et carrés
dans Arithmétique
Bonjour,
Si $P\in\Z[X]$, unitaire et de degré pair, est tel que $P(x)$ est un carré parfait pour une infinité de $x\in \N$, alors sauf erreur, il n'est pas trop difficile de prouver qu'il existe $Q\in \Z[X]$ tel que $P=Q^2$.
Mais que peut-on dire si $P$ vérifie la même chose en étant cette fois de degré impair ? Qu'il existe $a$ dans $\Z$ et $Q$ dans $\Z[X]$ tels que $P=(X+a)Q^2$ ?
Avez-vous un contre-exemple ou une preuve ? Une référence ? Merci pour votre aide.
Si $P\in\Z[X]$, unitaire et de degré pair, est tel que $P(x)$ est un carré parfait pour une infinité de $x\in \N$, alors sauf erreur, il n'est pas trop difficile de prouver qu'il existe $Q\in \Z[X]$ tel que $P=Q^2$.
Mais que peut-on dire si $P$ vérifie la même chose en étant cette fois de degré impair ? Qu'il existe $a$ dans $\Z$ et $Q$ dans $\Z[X]$ tels que $P=(X+a)Q^2$ ?
Avez-vous un contre-exemple ou une preuve ? Une référence ? Merci pour votre aide.
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Réponses
Je réponds juste à ton doute ``sauf erreur'' (et pas du tout à ta question). Peux tu regarder le théorème 1, page 1 in http://www.mast.queensu.ca/~murty/poly2.pdf.
Bon courage.
Toujours dans le même document http://www.mast.queensu.ca/~murty/poly2.pdf, théorème 4, page 3. Si $f(x) \in \Z[x]$ est un polynôme tel que $f(n)$ est un carré pour tout $n$, alors $f(x) = g(x)^2$ for some $g(x) \in \Z[x]$.
J'insiste sur "$P(x)$ est un carré pour une infinité d'entiers $x$" (et pas pour tout entier $x$).
J'avoue (je m'en suis rendu compte aussitôt envoyé). J'avoue quoi ? Que je n'ai pas fait assez attention à ton énoncé ; la preuve, tu es obligé de souligner ton contexte pour les nazes comme moi qui lisent trop vite. Je vais essayer de faire un truc pour me rattraper.
J'ai souligné parce que je me suis rendu compte que j'aurais dû insister là-dessus dès le départ !
$P(x)=x$ est un carré pour une infinité de valeurs de x (celles qui sont des carrés).
Cordialement.
NB : Aurais-je mal lu, moi aussi ?
$X=(X+a)Q^2$ avec $a=0$ et $Q=1$.
Je vais essayer de dire quelque chose d'intelligent. Soit $P(X) = a_nX^n + \cdots + a_0 \in \Z[X]$ avec $a_n \ne 0$, $n \ge 5$ et $P$ séparable i.e. à racines distinctes dans $\C$. Alors $y^2 = P(x)$ est ce que l'on appelle une courbe hyperelliptique de genre $g \ge 2$. L'aspect hyperlliptique provient de l'hypothése $P$ séparable. Et le coup du genre $g \ge 2$ provient de la contrainte $n \ge 5$ et de l'égalité $n = 2g + 2$ si $n$ est pair et $n = 2g + 1$ si $n$ est impair.
Et la chute, c'est qu'une telle courbe n'a qu'un nombre fini de points entiers. On a même des bornes explicites pour $|x|, |y|$, cf par exemple https://msp.org/ant/2008/2-8/ant-v2-n8-p01-p.pdf dans le cas où $P$ est irréductible.
Ok, cela ne répond pas encore à ta question mais ce n'est pas complètement étranger. Si tu trouves que c'est plutôt du genre troll, préviens la modération.
PS : pour $g = 1$, je ne sais plus quels sont les résultas concernant les points ENTIERS d'une courbe elliptique rationnelle.
Suite. Commençons modestement par $P(X) = X^3 + AX^2 + BX + C \in \Z[X]$ et supposons que le discriminant de $P$ est non nul. Alors $y^2 = P(x)$ est une courbe elliptique et un théorème dû à Siegel dit que son nombre de points ENTIERS est fini.
Du coup, s'il y a une infinité de $x\in\Z$ tels que $P(x)$ soit un carré (dans $\Z$), c'est que le discriminant de $P$ est nul ; et donc, dans $\Z[X]$, $P$ a un facteur carré. Vu la petitesse du degré $3$, cela nous conduit à $P(X) = (X+a)Q(X)^2$ avec $a \in \Z$ et $Q(X) \in \Z[X]$.
Commentaires :
1. C'est petit (car cela concerne uniquement le degré 3).
2. On aimerait bien se passer de Siegel.
J'aimerais bien connaître cette démonstration.
La condition « $P$ unitaire » est essentielle. Voir : $P(X)=2X^2-1$ et bien d'autres.
L'article cité par Claude Quitté donne en son théorème 4 une propriété déjà intéressante et pas tout à fait triviale.
Bonne après-midi.
Fr. Ch.
Notons $P=X^{2m}+\sum\limits_{k=0}^{2m-1}a_kX^k$. Pour $x$ assez grand, on peut écrire $\sqrt{P(x)}=x^m\sqrt{1+\sum\limits_{k=0}^{2m-1}a_kx^{k-2m}}=\sum\limits_{j=0}^{m}b_jx^j+o(1)$, avec $b_0,\cdots,b_m$ dans $\Q$ (en utilisant le développement limité en $0$ de $u\mapsto\sqrt{1+u}$ à l'ordre $m$, dont tous les coefficients sont rationnels). Notons $Q=\sum\limits_{j=0}^{m}b_jX^j$ et $d$ le ppcm des dénominateurs des $b_j$. Soient $x_1<x_2<\cdots$ des entiers tels que $\forall i\geq1$, $P(x_i)$ est un carré parfait. La suite $\left(d\sqrt{P(x_n)}-dQ(x_n)\right)$ est à termes entiers et converge vers $0$, par conséquent elle est nulle à partir d'un certain rang : on a $\sqrt{P(x_n)}=Q(x_n)$ pour $n$ assez grand, ce qui impose au polynôme $P-Q^2$ d'avoir une infinité de racines. Conclusion $P=Q^2$, et comme $P\in\Z[X]$, on a $Q\in\Z[X]$.
(tu) Merci pour cette magnifique démonstration, qui mêle harmonieusement analyse et arithmétique.
Je complète ce que j'ai dit hier car j'aurais dû mentionner ``cas particulier du théorème de Siegel''.
1. Voici UN énoncé du théorème de Siegel (Lang, Integral points on curves, IHES, 1960, disponible sur le web). Soit $f(x,y) = 0$ une courbe de genre $g \ge 1$ à coefficients dans un corps de nombres $K$. Alors cette courbe ne possède qu'un nombre fini de points à coefficients dans l'anneau des entiers de $K$.
2. Ton problème. $P \in \Z[X]$ unitaire, de degré impair avec une infinité de $x_k \in \Z$ tels que $P(x_k)$ soit carré dans $\Z$. On écrit $P = P_1P_2^2$ avec $P_i \in \Z[X]$ unitaires, premiers entre eux, $P_1$ sans facteur carré. Bien sûr, $P_1$ est de degré impair et toi tu veux $\deg P_1 = 1$. La suite va prouver que oui. On associe à ton problème la courbe
$$
C:\qquad y^2 = P_1(x), \qquad \qquad \hbox {(penser à la courbe $z^2 = P(x)$ et $(z/P_2(x))^2 = P_1(x)$ sachant que ``penser à'' ne veut rien dire)}
$$
En écrivant $\deg P_1 = 2g + 1$, $C$ est une courbe (hyperelliptique) de genre $g$.
Supposons $\deg P_1 \ge 3$ i.e. $g \ge 1$. On écrit $P(x_k) = P_1(x_k)P_2(x_k)^2$. Donc $P_1(x_k)$ est un carré dans $\Q$ donc dans $\Z$ puisque $P_1(x_k) \in \Z$. En écrivant $P_1(x_k) = y_k^2$, on obtient alors une infinité de points entiers $(x_k, y_k)$ de la courbe $C$, contredisant Siegel.
Bilan : $\deg P_1 = 1$, confirmant que ton intuition était bonne.
3. Difficulté de Siegel. Même dans le cas d'une courbe elliptique, $y^2 = x^3 + ax+ b$, ce n'est pas simple. Un pointeur http://www.math.harvard.edu/~pspark/siegel.pdf. Bien comprendre qu'il admet deux résultats (Thue-Siegel-Roth et Mordell-Weil faible) pour en déduire son theorem 1.1. Note : dans theorem 1.2, $H$ est la hauteur sur les rationnels i.e. $H(a/b) = \max(|a|, |b|)$ , étant entendu que $a \wedge b = 1$.
Dans Silverman-Tate (Rational Points on Elliptic Curves), en ce qui concerne Siegel, il donne comme énoncé le cas particulier suivant. Soit $C : F(x,y) = 0$ une cubique non singulière donnée par un polynôme cubique à coefficients entiers. Alors $C$ n'admet qu'un nombre fini de points à coefficients entiers.
Ils ajoutent : ``There are several differents proofs of Siegel's theorem leur cas particulier, none of them easy''.
Ils vont consacrer une partie du chapitre d'une part à des cas particuliers faciles. Et d'autre part, au cas particulier bien plus difficile $ax^3 + by^3 =c$ avec $a,b,c$ entiers non nuls, qui va les occuper pendant un certain nombre de pages : 152-176. En expliquant en quoi c'est lié à de l'approximation diophantienne .. etc.. Où l'on voit en particulier les noms de Thue, Beker, Siegel, Roth (dans le désordre).
Note : ce n'est pas du tout ma spécialité. J'ajoute que Siegel, cela date des années 1920. Et en 1983, Faltings va prouver le résultat dingue suivant. Soit $C$ une courbe de genre $g \ge 2$ (attention $g \ge 2$ et pas $g \ge 1$) définie sur un corps de nombres $K$. Alors le nombre de points de $C$ $K$-rationnels est fini. Bien noter $K$-rationnels (et pas à coefficients dans l'anneau des entiers $\mathcal O_K$).
Merci également. Car ta question initiale est vachement intéressante et j'ai beaucoup apprécié la solution que tu as donnée dans le cas où $P$ est de degré pair. Et cela m'a conduit à me poser beaucoup de questions (hier, j'ai répondu un peu vite).
Par exemple, étant donné un entier $N \ge 1$, peut-on trouver une courbe affine de genre $1$ ayant $N$ points ENTIERS. La réponse est oui. Par exemple, la courbe $X^3 + Y^3 = m$ avec $m$ bien choisi en fonction de $N$.
Je recopie Silverman-Tate pour la construction de $m$. On part de $x^3 + y^3 = 9z^3$, en projectif, avec le point base $(1 : -1 : 0)$, ce qui en fait une courbe elliptique. Elle possède de plus le point $p_0 = (2 : 1 : 1)$ puisque $2^3 + 1^3 = 9$. Ce point $p_0$ n'est pas de torsion, donc la courbe $x^3 + y^3 = 9z^3$ possède une infinité de points $\Q$-RATIONNELS, à savoir les multiples $np_0$ au sens de la courbe elliptique.
On prend $N$ points distincts de cette courbe $x^3 + y^3 = 9z^3$ que l'on écrit en affine $(a_i/c_i, b_i/d_i)$ avec nécessairement (je zappe) $c_i = d_i$. On pose
$$
m = 9 (d_1 \cdots d_N)^3, \qquad\qquad p'_i = (d_1 \cdots d_{i-1} a_i d_{i+1} \cdots d_N,\ d_1 \cdots d_{i-1} b_i d_{i+1} \cdots d_N)
$$
On vérifie que les $N$ points $p'_i$ sont distincts et sur la courbe $X^3 + Y^3 = m$.
Je n'ai pas pris le temps de la faire (la vérification). Mais comme cela faisait très longtemps que je n'avais pas programmé, je me suis posé la question de savoir si j'en étais capable. J'ai pris $N = 7$ et j'ai suivi le truc. Cela a produit les 7 points dans Graal ci-dessous. Note : par sécurité, la courbe affine est montée sur $\Z$.
Je stoppe. Promis, juré.