Somme de 4 carrés

Bonjour,

un de mes passe-temps quand je m'ennuie trop (ce qui arrive souvent) est de prendre le premier entier naturel qui me tombe sous la main et de trouver 4 carrés dont ce nombre est la somme. Selon Lagrange, tout entier naturel se décompose en une telle somme.
Connaîtriez-vous par hasard une méthode rapide et infaillible pour trouver ces 4 carrés étant donné le naturel en question ?
Merci.
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Réponses

  • maple, matlab...
  • bon d'accord...mais une méthode effectuable mentalement par un humain ?
  • Juste une précision a-t-on le droit d'avoir quatre fois le même entier au carré ?
    Par exemple $ 16 = 2^2 + 2^2 + 2^2 + 2^2 $
  • De sylvain:
    J'essaierai de voir ce fameux film ("raison d'état")quand j'aurai :

    1) le temps
    2) rien de mieux à faire
    3) l'envie
    4) le courage.

    Toute permutation de ce quadruplet de conditions conduit au même résultat.


    Du même Sylvain:
    un de mes passe-temps quand je m'ennuie trop (ce qui arrive souvent) est de prendre le premier entier naturel qui me tombe sous la main et de trouver 4 carrés dont ce nombre est la somme


    Entre trouver 4 carrés dont la somme est n et voir "raison d'état" tu choisis quoi?
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Tu peux éventuellement simplifier ta recherche en se rappelant que la propriété "somme de 4 carrés" est complètement multiplicative : ainsi, décompose ton entier n en produit de facteurs premiers, et il suffit de décomposer chaque nombre premier en somme de 4 carrés.

    Borde.
  • On constate assez rapidement après quelques essais par ordinateur que le nombre de décompositions possibles d'un entier donné en somme de 4 carrés augmente très rapidement... par conséquent, cela ne doit pas être bien dur d'en trouver.

    Une méthode qui marche est de prendre le plus grand entier n1 dont le carré est plus petit que l'entier N choisi puis de recommencer avec N-n1^2.
    Si on n'a pas abouti avec 4 carrés, on recommence en diminuant n1 de 1, et ainsi de suite.

    Avec cette méthode, on aboutit toujours et on obtient très souvent un résultat en moins de 10 étapes.
  • Merci Borde et bisam.
    @Christophe : en général je n'ai pas besoin de rester entre une heure et demie et deux heures devant mon écran pour décomposer un entier en somme de 4 carrés...
    Je viens par exemple de décomposer 1211 (mon PC indique qu'il est 12:11) en moins de 10 secondes: 1211=961+250=961+225+25+0=31²+15²+5²+0².
  • Une méthode qui marche est de prendre le plus grand entier n1 dont le carré est plus petit que l'entier N choisi puis de recommencer avec N-n1^2.

    C'est vraiment intéressant: ya un côté trivialement NP, mais est-ce que c'est P? Je veux dire, est-ce qu'il y a une manière polynomiale (en le nombre de chiffre (ec décimale) de n de trouver 4 carrés dont la somme est n? Vu ce qu'a dit Borde, le plus grand p tel que p^2<=n ne fait pas forcément partie de la solution.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Suivant ce que dit Borde au sujet de la multiplicativité :

    On dispose de factorisations plus simples en sommes de 2 carrés pour les facteurs premiers p de l'entier qui sont congrus à 1 mod. 4.
    Trouver cette écriture est équivalent à factoriser p dans l'anneau Z .
    On utilise ensuite la multiplicativité de la décomposition en somme de 4 carrés. Pour les facteurs premiers congrus à 3 mod. 4 on est obligé d'utiliser ses 4 carrés j'imagine.
  • "Pour les facteurs premiers congrus à 3 mod. 4 on est obligé d'utiliser ses 4 carrés j'imagine."

    Pas toujours : si p = 3 mod 8 alors p s'écrit comme une somme de trois carrés, et même sous la forme p = a² + 2b².
    Cette écriture existe également si p = 1 mod 8 d'ailleurs.

    C'est seulement si p = 7 mod 8 que l'on est obligé d'utiliser 4 carrés différents.

    Cordialement,

    Ritchie
  • Et trouver une décomposition de la forme a² + 2b² revient sans doute à factoriser dans Z[i*sqrt(2)].

    Un truc simple plus simple à faire de tête est de tester si n-a² est un carré (respectivement le double d'un carré) pour a = 0,...

    Cela marchera pour les n tels que la valuation en p de n v_p(n) est paire pour tout nombre premier p = 3 mod 4 (respectivement p = 5 ou 7 mod 8).

    Sans doute existe-t-il une condition nécessaire et suffisante pour que n puisse s'écrire sous la forme a² + 3b².

    Cordialement,

    Ritchie
  • Voilà de bien beaux résultats.
  • Je trouve aussi!

    J'avais fait un mémoire sur les sommes de carrés, que l'on peut trouver dans la (vieille) discussion suivante :

    http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?2,172596,172809#msg-172809

    Ritchie
  • Voici une piste mais qui est une piste de recherche que je n'ai pas résolue. Elle repose sur la double conjecture suivante (dite d'Euzenius qui est l'acronyme latinisé de $ 2^n i $) :

    1) tout nombre entier (positif) impair i s'écrit :

    s i = a^2 + 2b^2 + 4c^2 $

    où a, b, c sont des entiers, a étant forcément impair

    2) tout nombre entier (positif) impair i s'écrit :

    $ i = a^2 -2b^2 + 4c^2 $

    avec la "condition alfrédienne"

    $ 2b^2 <i $


    La seconde conjecture sans la condition alfrédienne est bien sûr vérifiée en partant de la différence de deux carrés qui est égale à i (on vous laisse faire la cuisine...) et on peut "descendre" soit le couple (a,b) soit le couple (b,c) en multipliant par -1 et en remarquant que :

    $-1 = 1^2 -2.1^2 $

    en utilisant l'identité de Brahmagupta.

    On doit pouvoir passer de la forme "fendue" ou "alternée" à celle positive, car en fait les deux sont des particularités de la forme octonionique fendue :

    $ i = a_0^2 - a_1^2 + a_2^2 - a_3^2 + a_4^2 - a_5^2 + a_6^2 - a_7^2 $

    Mais c'est assez coton car il est même probable que l'on va être obligé de travailler dans une algèbre sédénionique (la loi multiplicative offre alors une structure algébrique peu commune, non associative bien sûr ni même alternative). C'est peut-être même encore plus complexe allez savoir...

    Donc à défaut de se farcir (et trouver ?) cette recherche, il faut mettre à contribution très bêtement un ordinateur et si quelqu'un en a le courage de tenter de vérifier le plus loin possible la conjecture positive ci-dessus (qui implique bien sûr le Théorème des quatre carrés de Bachet-Fermat-Euler-Lagrange-Gauss...)

    Désolé de ne pouvoir mieux répondre à votre sollicitation.


    Euzenius
  • Bonsoir Euzenius
    La compilation LaTeX ne marchant pas pour le moment sur le forum, il ne faut pas cocher la case LaTeX. Merci
    Alain[Message de Euzenius. AD]
    6836
  • L'idée qui apparait simple est qu'un nombre premier n'a qu'une classe de décomposition (octonionique fendue ou si l'on préfère alternée). Cela signifie que si l'on a deux expressions (primitives sinon on a un facteur propre pgcd) en huit carrés alternés (dont ceratins peuvent être nuls) le produit de ces deux expressions par l'identité générale d'Hurwitz que j'appelle aussi la "divine identité" (avec ses très nombreuses occurrences étendant les deux de l'identité de Brahmagupta ou les seize de Lagrange-Jacobi) fournit une expression primitive du carré du nombre (qui peut aussi être limitée à ce seul carré).

    Si le nombre n'est pas premier il a au moins deux classes de décompositions et des expressions prises dans chacune des classes donnent par produit via la divine identité une expression non primitive du carré et le pgcd des termes de l'expression obtenue est un facteur propre du nombre donné.

    Bien évidemment si l'idée est alléchante, et peut se vérifier sur des exemples que vous vous concocterez avec le talent qui vous sied, rien ne permet actuellement de fournir des expressions dans deux classes différentes : on en est réduit au tâtonnement et donc beaucoup de calculs à la noix ! Et d'autre part démontrer que la primalité équivaut à l'unicité des classes est un vrai casse-tête à se mordre la queue.

    Si ça vous tente...

    Euzenius
  • Citation : "se mordre la queue.

    Si ça vous tente..."

    Pas vraiment non...:D
  • L'esprit serait-il mal placé ? Eviter alors le cours sur les espaces métriques... et autres grandes subtilités mathématiques dans la langue de Molière ou plutôt de Rabelais

    Plus prosaïquement pour ceux qui manient l'art de la programmation avec succès ils peuvent toujours s'exercer à rechercher les classes alter-octonioniques des entiers naturels le plus loin possible (autant que le leur permet leur bécane), et vérifier que primalité équivaut avec unicité de la classe (les classes sont heureusement finies et en nombre fini...).

    Peut-être apparîtra-t-il des choses intéressantes en plus ce que j'ignore totalement.


    Euzenius
  • Ritchie a posé plus haut une question difficile, dont on a déjà débattu sur ce forum, à savoir, plus généralement avec $n \in \mathbb {N}^{*}$, trouver une CNS pour qu'un nombre premier $p \nmid n$ s'écrive sous la forme $p = x^2 + n y^2$.

    La réponse à cette question est maintenant connue {\it pour tout entier} $n \geqslant 1$, et est donnée dans le livre de D. Cox : {\it Primes of the form $x^2 + ny^2$}. Le niveau de ce livre croît régulièrement au fur et à mesure que l'auteur explore historiquement les idées développées pour résoudre ce problème.

    {\it In fine}, c'est la théorie du corps de classes qui a donné la solution, que je vais indiquer ici sous la forme (inédite, à ma connaissance) du théorème suivant (il me semble qu'il faut l'avoir vu au moins une fois...) :


    {\bf Th}. Soit $n \geqslant 1$ entier, et on note $h(\mathcal {O})$ le nombre de classes de l'ordre $\mathcal {O} = \Z [\sqrt {-n}]$ dans le corps quadratique imaginaire $\mathbb {K} = \mathbb {Q} (\sqrt {-n})$. Soient $\mathfrak {a}_1,\dotsc,\mathfrak{a}_{h(\mathcal {O})}$ des représentants des classes d'idéaux inversibles de $\mathcal{O}$ et on note : $$H_{\mathcal {O}} (X) = \prod_{k=1}^{h(\mathcal {O})} \left ( X - j(\mathfrak {a}_k) \right ) \in \mathbb {Z}[X],$$ où $j$ est l'invariant elliptique défini sur les ordres de $\mathbb {K}$.

    Alors, pour tout nombre premier $p \nmid n$, $p = x^2 + n y^2$ {\it si et seulement si} $(-n/p)=1$ et l'équation $H_{\mathcal {O}} (x) \equiv 0 \pmod p$ est résoluble.



    D'un point de vue calculatoire, le polynôme $H_{\mathcal {O}} (X)$ donné ci-dessus, s'il répond au problème posé, n'est pas le meilleur qui soit, et, surtout, ne peut se calculer qu'avec un bon logiciel de calcul (PARI, par exemple). Il a cependant le mérite (théorique) de définir un corps de classes $\mathbb {L} = \mathbb {K}(j(\mathfrak {a}))$ de $\mathbb {K}$ qui possède en lui-même des propriétés intéressantes.


    Le problème se simplifie lorsque $n \not\equiv 3 \pmod 4$ et est sans facteur carré, car alors $\mathbb {L} = \mathbb {K}(1)$ n'est autre que le corps de classes d'Hilbert de $\mathbb {K}$, un tantinet plus facile à déterminer.


    A titre d'exemple, voici ce que donne ce théorème pour $n=11$ : $p \not = 11$ s'écrit sous la forme $p = x^2 + 11 y^2$ si et seulement si $p \equiv 1,3,5,9,15,23,25,27,31,37 \pmod {44}$ et si l'équation $$x^3 -(2^4 \times 1709 \times 41057)x^2 + (2^8 \times 3 \times 11^4 \times 24049)x - (2^4 \times 11 \times 17 \times 29) \equiv 0 \pmod p$$ est résoluble (!!)


    Borde.
  • Salut Borde,

    encore une fois merci pour ces développements très intéressants. J'ai du boulot avant de comprendre l'énoncé du théorème, mais l'exemple p=11 est sympa ;-)

    Ritchie
  • Bonsoir,

    Je vois que Borde a lu "Primes of the form $x^2+ny^2$" de Cox, me trompe-je ???


    Koski (en train de faire un rapport de stage sur ce même livre).
  • Bonjour,

    Ritchie, (alias Richard si j'ai bien compris), merci pour le mémoire; quelques précisions:
    > dans quel cadre avais-tu rédigé ce mémoire ?
    > L'anneau A des Quaternions H que tu introduis ressemble fortement aux quaternions d'Hurwitz; il me semble que tu ne le rappelles pas, pour quelle raison ?
    > vais m'intéresser au théorème des trois carrés via ton mémoire très documenté.

    Bonne journée.
  • Bonjour Koski,


    C'est exact, je l'ai (évidemment) signalé dans mon message plus haut, puisque ce travail est le sien. J'ai juste mis en forme les différentes étapes en un seul énoncé, pour éviter le lourd exposé sur la théorie du corps de classes et la multiplication complexe.


    Je connaissais le cas n$ \not\equiv 3 \pmod 4$ (et sans facteur carré) avant d'avoir lu ce (très bon) livre, puisque c'est un exemple d'application classique donné pour illustrer le corps de classes d'Hilbert.


    La généralisation à tout entier $n \geqslant 1$ apporte de nouveaux corps de classes, certes utiles en soi, mais difficiles à manipuler (je trouve).




    Salut Ritchie,


    L'exemple $n=11$ est surtout là pour illustrer le principal défaut de la méthode, à savoir produire un polynôme, non seulement difficile à calculer, mais aussi assez mauvais d'un point de vue calculatoire.


    Ces calculs ne figurant pas dans le livre de Cox, il faudrait, en toute rigueur, les vérifier. L'auteur propose le cas $n=14$ {\it à la main}, et c'est assez monstrueux.


    Encore à titre d'exemple, prenons le cas (plus facile) $n=5$. Ici, $5 \not \equiv 3 \pmod 4$, de sorte que l'on peut prendre pour $\mathbb {L}$ le corps de classes d'Hilbert de $\mathbb {Q}(\sqrt {-5})$. La commande PARI {\bf quadhilbert}$(-20)$ fournit directement son polynôme, à savoir $P = X^2 - X - 1$ (un calcul de ce corps de classes figure à l'exercice 1 page 122 du livre de Samuel : {\it Théorie algébrique des nombres}, Hermann).

    Au passage, rendons hommage aux concepteurs du logiciel PARI pour leur très gros travail, donnant ainsi un outil indispensable pour les théoriciens algébristes des nombres...et les autres (!)

    Ainsi, d'après ci-dessus, $p \not = 5$ s'écrit sous la forme $p=x^2 + 5y^2$ si et seulement si $(-5/p) = 1$ et l'équation $x^2 - x - 1 \equiv 0 \pmod p$ est résoluble (on peut montrer que $(-5/p)=1 \Leftrightarrow p \equiv 1,3,7,9 \pmod {20}$).

    Si l'on décide de calculer le polynôme via l'invariant elliptique $j$, on obtient : $$H_{\mathcal {O}}(X) = X^2 - (2^7 \times 5^3 \times 79)X - (2^4 \times 5 \times 11),$$ nettement plus compliqué.


    Borde.
  • Pour Bs,

    "dans quel cadre avais-tu rédigé ce mémoire ?"

    En maîtrise, c'était une partie d'un module.

    "L'anneau A des Quaternions H que tu introduis ressemble fortement aux quaternions d'Hurwitz; il me semble que tu ne le rappelles pas, pour quelle raison ?"

    Oui, 'est bien le même anneau. Je ne le rappelle pas parce que dans ma tête, quaternion = quaternion d'Hurwitz ;-)

    "vais m'intéresser au théorème des trois carrés via ton mémoire très documenté."
    Je ne donne pas la preuve générale du cas des trois carrés dans ce mémoire, juste le cas de l'écriture d'un nombre premier en sommes de trois carrés. Cependant, les références permettent d'aller plus loin. Attention, c'est un théorème assez difficile.

    Pour Borde : j'avais bien vu le caractère montrueux du polynome à calculer et à utiliser ;-) Merci pour le cas plus simple p=5.

    Cordialement,

    Ritchie
  • Merci Ritchie; concernant le théorème des trois carrés je vais commencer par le cas des nombres premiers de ton mémoire; je sais qu'il y a un sens difficile dans ce théorème pour le cas général; par exemple , c'est fait dans le Serre p79... mais, vais-je comprendre ?
    Sincèrement.
  • "Vais-je comprendre?"

    Difficile à dire. En prenant le temps, je pense. C'est une théorie intéressante, du moins c'est ce que j'en ai retenu ;-)

    Le sens facile est fait dans mon mémoire, d'ailleurs (j'étais flemmard).

    Ce qui est intéressant à remarquer, c'est que contrairement au cas des sommes de 2 ou 4 carrés, le cas des nombres premiers ne suffit pas (être somme de 2 ou 4 carrés n'est pas une propriété multiplicative).

    Cordialement,

    Ritchie
  • Pour finir (?) sur ces exemples de nombres premiers $p \nmid n$ s'écrivant $p = x^2 + ny^2$, reprenons celui donné par Ritchie plus haut avec $n=3$.

    Je ne détaille pas les calculs, mais, si quelqu'un veut en savoir plus, je suis prêt à les exposer. On trouve :

    $p \not = 3$ s'écrit sous la forme $p = x^2 + 3y^2$ si et seulement si $p \equiv 1,7 \pmod {12}$

    (le calcul était plus simple ici puisque l'on trouve que $h(\mathcal {O}) = 1$ de sorte que l'extension $\mathbb {L} / \mathbb {Q}(\sqrt {-3})$ est dégénérée).

    Borde.
  • Merci encore Borde, c'est un résultat que je peux retenir... Et qui peut m'être utile.

    Cordialement,

    Ritchie
  • De rien, Ritchie, la question que tu as posée est très intéressante à plus d'un titre, et méritait,à mon avis, quelques développements. De plus, j'aime bien, de temps à autre, me servir de PARI pour des calculs de théorie algébrique, car il est vraiment fait pour ça.

    Néanmoins, comme tout calcul (et comme je l'ai signalé plus haut), il faut les vérifier.

    Borde.
  • Bonsoir,

    Je signale un résultat plus général :

    Si le groupe des classes d'idéaux d'un corps quadratique imaginaire $K=\Q(\sqrt{N})$ (N sans facteurs carrés) est isomorphe à $(\Z / 2 \Z)^{r}$, alors le corps de classes de Hilbert de $K$ est facile à trouver, il s'agit de :
    $$ K(\sqrt{p_{1}^{*}},\ldots, \sqrt{p_{k}^{*}})$$
    avec $\sqrt{p_{i}^{*}}=(-1)^{\frac{p_{i}-1}{2}} p_{i}$ où $p_{i}$ sont les diviseurs premiers impairs de N.

    Koski
  • Oui, dans Kox, également, on voit (th. 6.1) que le corps donné par Koski est le corps de genre de $\K$. Reste à voir que l'hypothèse suppémentaire sur le groupe des classes implique que le corps de classes d'Hilbert et le corps de genre sont bien égaux.

    Borde.
  • Désolé de jouer les fauteurs de trouble, mais c'est quoi au juste un "corps de classes" ?:S
  • [EDIT: ceci était une réponse à une question de borde qui n'existe plus, et pas, bien sûr, une réponse à Sylvain]

    C'est de la théorie du genre (le mot « genre » étant une bizarrerie historique qui n'a bien sûr rien à voir avec la topologie). Une bonne référence est le livre de Lemmermeyer sur les lois de réciprocité. De manière générale, on comprend de manière très explicite la 2-torsion du groupe des classes d'un corps quadratique, et le sous-corps correspondant du corps de classes de Hilbert.

    Je pense qu'on doit comprendre aussi, largement de la même manière, la théorie du genre des ordres non-triviaux de l'anneau des entiers d'un corps quadratique, et ce que ça dit de certains corps de classes de rayon, mais je ne sais pas si c'est écrit quelque part, et je n'ai jamais pris le temps d'écrire sérieusement ça moi-même.
  • Je n'ai absolument rien compris. Sinon mt-i, le "bikasuishin" de ton adresse IP c'est du japonais ?
  • Sylvain: de manière générale, un corps de classes associé à un corps de nombre K, c'est une extension abélienne de K qui soit maximale parmi celle vérifiant certaines contraintes de ramification. Par exemple le corps de classes de Hilbert est la plus grande extension abélienne non ramifiée.
  • borde: je n'ai pas le livre de Cox à portée de main, mais vérifier que l'extension donnée par Koski est non ramifiée se fait de manière pédestre, je pense. Du coup, comme elle est abélienne et de même degré que le corps de classes de Hilbert, on a l'égalité qu'on veut.

    Sylvain: c'est 美化推進 si le forum supporte les caractères non latins.
  • Et qu'est-ce au juste que cette histoire de "ramification" ? Et 美化推進 ça signifie quoi (je ne connais pas ces kanjis) ? Désolé si j'abuse de ta patience...
  • Sylvain,

    Je ne suis qu'un débutant ; cependant je peux t'en dire un petit peu sur le sujet :
    Un corps de classe est une extension abélienne d'un corps de nombres qui vérifie certaines propriétés liées à l'homomorphisme de Frobenius. Par exemple, le corps de classes de Hilbert d'un corps de nombres K est l'extension abélienne non-ramifiée maximale de K.
    a théorie qui s'intéresse à ce genres de problèmes est la "théorie du corps de classe". La théorie moderne utilise les adèles et les idèles et est fréquemment introduite par la cohomologie des groupes.

    Koski
  • Sylvain :

    Si tu n'as jamais fait de théorie des nombres ça risque d'être compliqué à expliquer...
    Sais-tu ce qu'est un anneau de Dedekind ? l'anneau des entiers d'un corps de nombres ?
  • Un anneau de Dedekind, non (je suppose que ce n'est pas l'alliance du dit Dedekind !:D), l'anneau des entiers d'un corps de nombres ce n'est pas l'ensemble des entiers algébriques du corps en question ?
  • Si tu veux en savoir plus sur la théorie algébrique des nombres élémentaires, le petit livre de Samuel, Théorie algébrique des nombres, est une introduction un peu scolaire mais efficace. Au-delà, et en particulier pour regarder la théorie du corps de classes, je ne connais pas de meilleur livre de celui de Neukirch, Algebraic number theory.

    À part ça, 美化推進 ça veut dire quelque chose comme « promotion de l'embellissement ». C'est une partie de l'expression 美化推進強化区域 « zone de promotion renforcée de l'embellissement » qu'on trouve sur des panneaux pour dire aux gens de ne pas jeter de papiers par terre :-).
  • Je vois que nos amis nippons sont de grands poètes...Pour ce qui est des bouquins, je n'ai pas accès à la BU de la fac vu que c'est les vacances, et ensuite mon M2 Recherche me laissera sans doute peu de temps pour approfondir ces notions énigmatiques. Je vais essayer de dénicher des PDF relativement accessibles sur la question. Néanmoins, anata no kotae wa dômo arigatô !;)
  • Bonsoir Sylvain,

    Donner une définition, ici, et en quelques lignes, d'un corps de classes, relève à mon avis de la gageure.

    Ceci dit, mt-i et Koski ont bien résumé la situation.

    Afin d'éviter une redite, on peut tenter de comprendre la théorie par une petite histoire simple et sans prétention !


    Imagine que tu souhaites généraliser la loi de réciprocité quadratique. Mais, au fait, que dit-elle, cette loi ? Elle relie deux nombres premiers (impairs) via un symbole, le symbole de Legendre-Jacobi-Kronecker (que, je crois, tu sais être essentiellement le seul caractère de Dirichlet primitif modulo ces nombres premiers). Il faut donc généraliser :

    (i) La notion même de nombre premier ;
    (ii) Le symbole de Legendre-et-cie.


    Pour le point (i), pas de problème, adjoindre à $\Q$ un nombre algébrique provoque une généralisation très intéressante du concept de nombre : les idéaux fractionnaires et entiers, et les idéaux premiers, qui généralisent les nombres premiers (ce que Koski voulait dire lorsqu'il parlait d'anneaux de Dedekind).


    Pour (ii), c'est une autre paire de manches, à tel point qu'on n'y arrive pas dans le cas général. En revanche, si l'extension provoquée ci-dessus est galoisienne de groupe de Galois {\bf abélien}, alors on peut généraliser ce symbole.

    A partir de maintenant, on considère une extension $\K / \Q$ {\it abélienne}. Le th. de Kronecker-Weber lui associe un entier $f$ minimal tel que $\K$ soit contenue dans le corps cyclotomique engendré par une racine primitive $f-$ème de l'unité. Cet entier, appelé {\it conducteur} de $\K$, est assez connu dans certains cas. Par exemple, si $\K$ est {\bf cyclique} (son groupe de Galois est cyclique) de degré premier $p$ impair, alors $f$ s'écrit sous la forme $f=n^{\theta} p_1 \dotsb p_r$ avec $\theta=0$ ou $2$ et les $p_i$ valent $p_i \equiv 1 \pmod p$.

    On se donne un entier $m$ tel que $f \mid m$. Si $p$ est un nombre premier, on commence par généraliser le célèbre morphisme de Frobénius de $\mathbb {F}_p$ ($\sigma(x) = x^p$ pour tout $x \in \mathbb {F}_p$) par le morphisme, encore appelé morphisme de Frobénius, défini par $\sigma(x) \equiv x^p \pmod {p \mathcal {O}_{\K}}$ pour tout $x \in \mathcal {O}_{\K}$. On note ce morphisme sous la forme $\left ( \dfrac {\K / \Q}{p} \right )$ et il généralise le symbole de Legendre. On l'appelle symbole d'Artin.


    Pour la suite, il faut comprendre que l'on peut faire tout ce qui a été fait "à un niveau au-dessus", c'est-à-dire ne plus prendre $\Q$ comme corps de base, mais...un corps de nombres $\K$. On a des extensions abéliennes $\mathbb{L} / \K$, ayant un conducteur $\mathfrak {f}$ (qui est ici un objet plus compliqué qu'un simple entier), et on se dote d'un objet $\mathfrak {m}$, qui généralise l'entier $m$ ci-dessus, et pour lequel $\mathfrak {f} \mid \mathfrak {m}$. Le {\bf corps de classes} de rayon $\mathfrak {m}$ peut être vue comme l'extension maximale de $\K$ avec un conducteur minimal divisant $\mathfrak {m}$. On note ce corps $\K(\mathfrak {m})$. En particulier, si $\mathfrak {m} = \mathcal {O}_{\K}$, alors $\K(\mathfrak{m})$ est noté $\K(1)$ et s'appelle le corps de classes d'Hilbert de $\K$. Il peut être vu comme l'extension maximale abélienne et {\bf non ramifiée} de $\K$. Cette notion d'extension non ramifiée n'est pas évidente à saisir au premier abord, d'ailleurs. Pour essayer de faire simple, une extension $\mathbb {L} / \K$ de degré $n$ est non ramifiée si :

    (a) Si on note $\sigma_1,...,\sigma_n$ les automorphismes de $\K$, alors ou bien $\sigma_i(\K) \not \subset \R$, ou bien le polynôme $X^n + \sigma_i(a_{n-1}) X^{n-1} + ... + \sigma_i(a_0)$ n'a que des racines réelles.

    (b) Pour tout idéal premier $\mathfrak {p}$ de $\K$, $\mathfrak {p} = \mathfrak {P}_1 \dotsb \mathfrak {P}_g$ (cet idéal premier a toute ses valuations égales à $1$). On dit que tout idéal premier de $\K$ est {\it complètement décomposé} dans $\mathbb {L}$.


    J'espère avoir été le plus clair possible sur un sujet difficile.


    Borde.
  • Bonjour mt-i,

    Je ne suis pas bien convaincu par ton argumentation concernant l'égalité du corps de genre et du corps de classes d'Hilbert de $\K = \Q(\sqrt {-N})$. Le premier est certes abélien, mais sur $\Q$, le second l'étant sur $\K$.

    En outre, on trouve (toujours dans Kox) une CNS pour que cette égalité ait lieu : {\it si $\K$ est un corps quadratique imaginaire, alors son corps de genre est égal à son corps de classes d'Hilbert si et seulement si, pour chaque forme quadratique primitive de discriminant $d_{\K}$, il n'y a qu'une seule classe par genre}.

    Ici, d'après l'énoncé de Koski, le nombre de classes vaut $2^r$. D'après Kox (th. 6.1), le nombre de genres de formes positives de discriminant $d_{\K}$ vaut $2^{k-1}$ où, reprenant les notations de Koski, $k$ désigne le nombre de facteurs premiers impairs de $d_{\K}$. Autrement dit, si Koski peut nous confirmer que $k = r+1$, alors le corps de classes d'Hilbert de $\K$ est le corps de genre de $\K$.

    Borde.
  • borde,

    un détail : Cox s'écrit avec un "C".

    Je pense qu'il y a une petite erreur dans ton message à Sylvain. Je cite :

    "(b) Pour tout idéal premier $\mathfrak {p}$ de $\K$, $\mathfrak {p} = \mathfrak {P}_1 \dotsb \mathfrak {P}_g$ (cet idéal premier a toute ses valuations égales à $1$). On dit que tout idéal premier de $\K$ est {\it complètement décomposé} dans $\mathbb {L}$."

    Or d'après moi, "complètement décomposé" veut dire qu'il y a exactement $[L:K]$ idéaux premiers de $\mathcal{O}_{L}$ au-dessus de $\mathfrak{p}$. Ici, on impose simplement que les indices de ramifications soient egaux à 1. A moins qu'il y a une subtilité dans l'expression "complètement décomposé" ; car moi je dit plutôt "totalement décomposé".

    Pour ton dernier message, il me semble que si $d_{K}$ est le discriminant de $K$, il y a $2^{k}$ genres de formes de discriminant $d_{K}$ et pas $2^{k-1}$ comme tu le dis. Par exemple, considèrons $$K=\Q(\sqrt{-5}) $$, de discriminant -20. Il y a un seul diviseur premier impair de -20 et il y a 2 classes de formes : $x^2+5y^2$ et $2x^2+2x+3y^2$.

    Par ailleurs, je trouve que raisonner sur le nombres de classes n'est pas pratique. Je pense qu'il est plus simple de dire que le corps de genre est le sous-corps des invariants du sous-groupe $\mathcal{C}(\mathcal{O}_{K})^2$ (les carrés d'idéaux) de
    $$Gal(L/K) \simeq \mathcal{C}(\mathcal{O}_{K})$$
    Donc si on suppose que c'est isomorphe à $(\Z / 2 \Z)^{r}$, ce sous-groupe est trivial, donc on a l'égalité corps de genre = corps de classe de Hilbert.

    Koski
  • Bonjour,

    Désolé d'interrompre cet intéressant interlude, mais une question me taraude :

    y a-t-il un résultat quelconque quant à l'écriture en somme de 4 carrés des nombres premiers congrus à 23 modulo 24, dans la lignée des p = x²+ny² ou autre?

    Cordialement,

    Ritchie
  • {\bf Koski}: je suis d'accord avec toi pour dire que c'est la bonne façon de voir le corps de genre, mais elle n'est claire que dans la mesure où l'on a montré qu'il était contenu dans le corps de classes de Hilbert, ce qui apparemment était le point gênant pour Borde. (Et si on a l'inclusion, le corps des genre va être la plus grande sous-extension du corps de classes de Hilbert dont le groupe de Galois soit tué par 2).

    {\bf Borde}: abélien sur $\Q$, ça implique {\it a fortiori} abélien sur $\Q(\sqrt{-N})$. C'est le contraire qui n'est pas vrai : une extension abélienne d'une extension quadratique n'a même pas de raison d'être galoisienne sur le corps tout en bas a priori. Il y a un petit miracle à l'œuvre là, du coup, qui fait que le corps de genre est toujours une extension abélienne de $\Q$ lui-même, et donc la décomposition des idéaux premier s'y exprime en termes de congruences explicites (on est à l'intérieur d'un corps cyclotomique !). Je crois me souvenir que c'est en fait l'extension non ramifiée maximale pour cette propriété. Cox doit d'ailleurs faire certaines remarques en ce sens : les classes de genre de formes quadratiques sont en quelque sorte le mieux qu'on puisse distinguer à l'aide de congruences.

    [La case LaTeX ;) AD]
  • Merci de tes efforts pour m'expliquer toutes ces choses, Olivier. Je suis passé de 100% d'incompréhension à seulement 70%...:D
    Dis-moi, tu n'as jamais eu mal au crâne pendant ton DEA de théorie des nombres ?
  • mt-i : je suis d'accord pour le côté abélien, mais il fallait certainement utiliser l'hypothèse du nombre de classes pour aboutir.


    Koski : oui, $k$ est le nombre de facteurs premiers de $d_{\K}$, et non premiers impairs comme j'avais mis. Quant à la terminologie, je préfère dire "décomposé" pour le cas non ramifié et non inerte (donc $\sum_{i=1}^{g} f_i = n$), et complètement décomposé pour le cas $g = n$ (et donc $e_i = f_i = 1)$ avec les notations usuelles. Mais le petit laïus que j'avais fait pour Sylvain se voulait être "sans prétention", comme je l'ai dit, et il ne s'agissait évidemment pas d'un cours, mais d'une petite illustration des concepts mis en jeu.

    Quant à raisonner sur les carrés d'idéaux, cela ne me semble pas plus évident que de chercher via le nombre de classes, et, là, je rejoins le point de vue de mt-i. Mais peut-être suis-je partial ?


    Ritchie : je n'ai pas en tête de tels résultats...ce qui ne veux pas dire qu'il n'y en ait pas.


    Sylvain : Le problème avec la théorie algébrique, est l'imposante masse de connaissances nécessaires pour débuter. De plus, il y a un moment que je n'ai plus fait de théorie du corps de classes, et j'ai voulu profiter de ce fil pour m'y replonger dedans.


    Borde.
  • borde a écrit:
    Sylvain : Le problème avec la théorie algébrique, est l'imposante masse de connaissances nécessaires pour débuter. De plus, il y a un moment que je n'ai plus fait de théorie du corps de classes, et j'ai voulu profiter de ce fil pour m'y replonger dedans.

    Et les connaissances en question tu les avais déjà avant ton DEA ou est-ce au cours de celui-ci que tu as dû les acquérir ?
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