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Comment retient-on ?

Bonjour.
Je me rends compte, en bossant les oraux d'agreg, qu'il y a des résultats qu'on ne peut retenir dans les moindres détails.
Alors, comment font les profs du supérieur quand ils enseignent certaines notions? Apprennent-ils par coeur ou ils fabriquent leurs cours peu de temps avant de l'enseigner?
Merci

[Titre initial : comment on retient?]

Réponses

  • Enseigner n'a rien à voir avec préparer un concours qu'on passe contraint et forcé. Ce que tu n'imprimes pas pour l'agreg (ou n'importe quelle autre "corvée", même après l'avoir revu 150 fois), quand tu es "au restaurant et détendu", on te le dit une demi-fois et tu ne l'oublies jamais.

    De plus, "la quantité totale réelle d'octets" en maths est très petite avant le M2 recherche, ça doit contenir sur 25 à 30 pages tout compris*** et de plus du fait que ce soit prouvable, il n'y a pas "vraiment besoin" de le retenir, puisque c'est déductible** rapidement de noyaux principaux très courts en termes de place qu'ils tiennent.

    De ce fait, les enseignants (du supérieur) ne se posent même pas la question (en moyenne je pense, il y aura toujours des stressés), j'ai même l'impression qu'en mode routine, ils ne pensent même pas que le lendemain, 14H plus tard, ils seront en train d'exposer un truc à un auditoire. A mon avis, ça doit être pareil en CPGE, le gros de leur boulot est la correction continuelle de copies et la distribution de devoirs. Ca n'empêche aucune de ces personne d'être comme toi, à savoir d'avoir l'impression de ne rien savoir et de ne rien arriver à retenir si tu les mets dans une situation de stress. (Pense à la conduite d'une voiture par exemple: tu as dû t'apercevoir que c'est quand le moniteur ou l'inspecteur était à côté de toi que tu tremblais, mais tu n'avais plus aucun "doute", seul au volant (à tort ou à raison)). Bin c'est un peu pareil. Et bien entendu, j'ai résumé, les choses sont plus nuancées. Mais l'écart entre la corvée et la routine tranquille est à peine caricaturée dans ce que je viens de te dire.

    ** toute proportion gardée bien sûr, s'il faut explorer un arbre à 10 étages de 5 branchements par noeud, là c'est sûr que c'est ingérable, mais ce n'est pas le cas en général.

    *** si c'était bien écrit et sans redite, à coups de $\{x\mid blabla1\}\in \{y\mid blabla2\}$. Les livres multiplient au bas mot par 50 ou 100 et délayent énormément.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • cc a écrit:
    "la quantité totale réelle d'octets" en maths est très petite avant le M2 recherche, ça doit contenir sur 25 à 30 pages tout compris
    Oh non, ça recommence. On a hâte de voir ton pdf de 30 pages qui fait toutes les maths jusqu'à M1 ...
  • Geo a écrit:
    Alors, comment font les profs du supérieur quand ils enseignent certaines notions? Apprennent-ils par coeur ou ils fabriquent leurs cours peu de temps avant de l'enseigner?

    J'imagine que cela dépend aussi combien de fois tu as professé un cours.

    Les magiciens n'aiment pas parler de leur trucs...C'est considéré comme inconvenant de dire tout le travail accompli pour essayer de faire correctement son travail d'enseignant. Il faut toujours avoir l'air d'un glandeur génial qui sait tout sans effort..

    PS:
    Je suis content que certaines personnes ne soient pas en charge de rédiger les manuels scolaires.

    PS2:
    Comment on retient? A mon humble avis en retenant le plan et en approfondissant les développements.
    Cela dit, un enseignant est autorisé à utiliser ses notes de cours.
  • fdp a écrit:
    Il faut toujours avoir l'air d'un glandeur génial qui sait tout sans effort..

    Contrairement à ce que tu affirmes, cette tendance n'est pas du tout à la mode, j'ai remarqué. A peu près personne (ou pas grand monde) ne pratique ce genre de frime. Autrement dit, il ne faut pas te baser sur moi pour penser que c'est une mode. Je suis assez rare à faire ça (le branleur qui glande rien). De plus ça ne m'apporte pas grand chose et c'est à nuancer l'idée que je le fais vraiment, mais je préfère être clair et je simplifie.

    @skyffer: ok (tu) bon mais ça risque d'attendre un peu parce que je prends un avion à 5H et je suis en train de me demander comment ne pas payer un taxi pour aller à l’aéroport. Et il faut que je me couche tôt. Mais sans pentir, j'espère un jour te satisfaire et en satisfaire d'autres en faisant un effort de rédaction de ce genre de document (même si ce sera à pure perte puisque pour vendre, faut du poids)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Ah oui j'ai hâte si tu veux bien. On a déjà eu un exemple de ton cours d'analyse de L1 en deux pages et c'était assez drôle, je pense que le "Toutes les maths de L1 à M1 en 30 pages par CC" sera un grand moment de détente pour tout le monde ;-)
  • Sinon pour répondre à ta question geo, les cours c'est d'année en année les mêmes, à force de les faire et refaire, et à force aussi d'avoir retenu les idées essentielles (sur ce point je rejoins cc), c'est pas si dur je pense de faire un cours qui tienne la route sans y passer un temps fou. Certains profs s'appuient aussi sur leurs notes, qu'ils augmentent là aussi d'année en année (et parfois ça finit même par faire un livre).
  • Christophe:

    J'ai tout de même l'impression que les gens n'aiment pas trop s'épancher sur le temps qu'ils passent à préparer leur cours ou apprendre leur leçons. J'avais l'impression que les gens n'aiment pas confesser qu'ils travaillent comme des brutes pour faire correctement leur travail car ils considèrent que c'est un signe de faiblesse, un mauvais signal envoyé. Il faut toujours donner l'impression que tu peux en faire plus pour rester employable.
  • Je vois pas en quoi un prof voudrait donner l'impression de rester employable vu qu'il a son emploi à vie ... Peut-être plus une question d'orgueil alors. Mais le fait est que si tous les ans tu fais ton cours de MPSI, ou bien tous les ans ton cours d'algèbre de L2, depuis 15 ans, je vois mal comment il te faudrait 120 heures pour préparer ton cours (je ne parle évidemment pas du temps passer à corriger etc.).
  • sera un grand moment de détente pour tout le monde

    C'est le but. Mais bon, j'essaierai d'y passer un peu plus que les 20mn passées sur celui que tu évoques (dont en plus 10mn ont dû être utilisées en commentaires :-D ). Tu ne seras pas déçu. Et les amateurs de cabalistique non plus
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Pour retenir, il faut rerediger. Presque toujours en faisant cela il faut changer les notations. Ces conseils sont de Grothendieck.
  • Alors, comment font les profs du supérieur quand ils enseignent certaines notions? Apprennent-ils par coeur ou ils fabriquent leurs cours peu de temps avant de l'enseigner?

    Il font comme tout le monde, on se sert d'une part des connaissances acquises par coeur (après 5 années d'études en mathématiques cela sert encore à quelque chose) et d'autre part on consulte des ouvrages de mathématiques sur des points obscures, contre-exemples ou simplement pour se refraichir la mémorie sur certains points avant de donner la leçon.
  • Concernant la fac, je vois en gros deux situations principales et un marasme entre les deux qui doit être assez négligeable (tout cela "à vue de nez", les intéressés pourront infirmer, confirmer, nuancer...) : 1) les enseignants qui enseignent jusqu'à bac+3 dans leur branche générale (= en algèbre quand on est plutôt algébriste - i.e. algèbre, géométrie, etc. -, en analyse quand on est plutôt analyste - i.e. analyse, topologie si on la sépare de l'analyse, proba-stats, etc.) ont suffisamment de recul sur ce niveau pour y être à l'aise sans dire trop de bêtises (à l'aise ne veut pas dire maîtriser car on oublie et il y a beaucoup de choses que l'on n'a pas bien vu tant qu'on ne s'est pas penché dessus concrètement) ; 2) les enseignants qui interviennent en master/école doctorale dans leur domaine de spécialisation (les E.D.P. pour un spécialiste de l'analyse numérique des E.D.P. par exemple), et dans ce cas le fait de réfléchir tous les jours à ces questions permet également d'y être à l'aise. Bien sûr, rien n'interdit d'être à l'aise avec l'algèbre de L1/2 quand on fait de l'analyse et vice-versa.
    Pour la prépa, entre les élèves qui avaient déjà une très bonne connaissance du cours en sortant de prépa et ceux pour lesquels c'était plus laborieux, le fait de faire et refaire le même cours d'année en année permet de gagner cette aisance. Au bout de la troisième ou quatrième démonstration du théorème de D'Alembert devant la classe, on a de moins en moins besoin de regarder ses notes, alors pour la plupart des théorèmes moins compliqués, ça devient encore plus facile.

    A la fac jadis, il y avait un prof (DR) qui arrivait en cours d'analyse fonctionnelle de maîtrise quasiment les mains dans les poches et qui "récitait" son cours au tableau avec les démos. Mais ça faisait un bon paquet d'années qu'il était en charge du cours et c'était en plein dans son domaine !...


    La première idée derrière cette vision est que la difficulté est en général relative. Je me souviens qu'en sup, je voyais les (maigres au final) résultats sur les groupes comme le summum de la difficulté que je ne maîtriserais probablement jamais (même si je m'en sortais plutôt bien en maths comparativement à certains de mes camarades de TS). Après digestion de tout cela, quand je suis arrivé en licence et sans avoir retravaillé particulièrement le sujet, toute l'algèbre de prépa m'est apparue petit à petit comme assez insignifiante par rapport à ce que je découvrais dans les nouveaux cours et dans les bouquins (j'étais un vrai rat de bibliothèque, je connaissais plein de vieux bouquins et leur emplacement - d'ailleurs, je crois bien que j'étais le plus gros emprunteur de ma BU !). Et le constat est général. Par exemple, l'intégration (Lebesgue) qui me semblait plutôt ardue en licence m'apparaît aujourd'hui comme assez "simple" par rapport à ce que j'ai vu (survolé plutôt) depuis, par exemple en algèbre avec la théorie des catégories.

    La deuxième idée, c'est comme on l'a dit de faire, refaire, écrire, réécrire, lire, relire toujours les mêmes choses. Sous une forme différente si possible afin d'être sûr d'avoir bien pigé, et pour cela une bibliothèque (papier ou numérique) bien fournie est un plus ; mais sinon, avec juste un seul bouquin, on peut aussi s'en sortir, certains pourront très probablement en témoigner ici, c'est comme les goûts et les couleurs, ça dépend des gens.

    Pour l'agrégation - dont moins le programme que l'exigence de maîtrise de ce programme rend l'étendue des connaissances à savoir par cœur assez phénoménal en théorie (parce qu'en pratique, on sait à peu près tous comment ça se passe !) -, les fiches qu'on lit et relit et les entraînements en situation (devant une feuille divisée en trois par exemple ou bien au tableau pour les développements) me semble aussi une méthode de travail à pratiquer un minimum...
  • Ok merci.
    Mon problème est que je travaille une notion en juin et en novembre j'en ai oublié une partie. C'est très dur de se rappeler d'autant de notion quand on ne les pratique pas au quotidien.
  • C'est le cas de tout le monde (à quelques "autistes" hors-normes comme dirait quelqu'un ici...). J'ai repris récemment mes notes sur les opérations de groupe que j'avais rédigées de façon très détaillée il y a plusieurs mois, et je n'avais qu'un vague souvenir de ce que je cherchais...
    C'est d'ailleurs pour cela que j'ai prévu une phase où je relirai plusieurs fois l'ensemble de mes notes sur plusieurs mois avant le concours. (Autant dire que je ne vais pas encore le passer en 2018 ! J'espère que ça existera toujours quand je serai prêt, et que je ne serai pas encore à la retraite :-D.)
  • Certes on oublie fréquemment, mais si la démonstration d'un énoncé a été vraiment bien comprise en profondeur une première fois, alors d'une part

    1) On peut souvent la retrouver seule
    2) On re-comprend très très vite en une brève relecture

    La mémoire en maths c'est du court terme mais la compréhension ça reste profondément ancré.

    Cela dit et c'est un avis purement personnel, mais j'envie énormément les mathématiciens qui ont une grosse mémoire et qui sont des bibliothèques sur pâtes. Dans la vie de tous les jours, la mémoire est une capacité intellectuelle bien plus importante et intéressante que les capacités mathématiques.
  • Alors je ne suis pas dans le supérieur, mais il me semble que les profs du supérieur aussi préparent leurs cours, donc ils relisent la démonstration avant de la faire, et puis en cours on a le droit à ses notes, contrairement à l'agreg ! Et en prépa agreg j'ai déjà vu des profs s'y référer rapidement pour une notation, sans que pour autant personne ne les juge incompétents ; je préfère même ce cas à la "star" qui arrive les mains dans les poches et donne un cours avec une structure approximative (on fait une partie I puis on oublie la II qui était prévue ou on la saute, parce que le prof le trouve triviale, donc non prioritaire, on passe à autre chose, et finalement on remplit les trous après...).
  • "1) On peut souvent la retrouver seule "
    J'ai du mal avec cette affirmation : même pour des démonstrations assez simples que j'ai bien comprises, j'aurais des difficultés à la retrouver tout seul s'il y a un seul petit enchaînement qui n'est pas "linéaire" (par exemple introduire tel objet à tel moment...) et que je ne m'en souviens pas. Il faut qu'il y ait eu mémorisation de ce qui peut être vu comme une "astuce locale", et là à part un travail spécifique sur le sujet au niveau de la mémoire, je sais que dans mon cas ça sera difficile.

    Par ailleurs, dans un concours où l'on peut à tout moment (écrit/oral) demander de démontrer un résultat du cours (par exemple Cayley-Hamilton ou formule de Taylor), soit on la connaît bien et ça prend quelques minutes directement sur la copie, soit on la retrouve et ça peut faire perdre plusieurs minutes précieuses et donner un coup de stress inutile dès les premières minutes de l'épreuve si la question arrive dans le début du problème. A l'oral, ça peut devenir aussi pénible si l'on bute sur un point de la démonstration et que le jury décide de laisser "mijoter" un peu le candidat...
  • Bonjour Geo
    La formule "1heure, 1jour, 1semaine, 1mois" m'a été enseignée jadis.
    Tu lis quelque chose, tu le relis 1h après, puis le lendemain et 1 semaine après, alors tu commences à bien le mémoriser. La relecture le mois suivant permet de consolider cette mémorisation.
    Je l'ai appliqué, et j'essaie de continuer à l'appliquer, et cela marche bien.
    C'est un peu ce principe qui est fait à l'école, le professeur fait son cours, l'élève le relit le soir dans la crainte d'une interrogation surprise le cours d'après, puis il le relit pour le devoir sur table de la fin de semaine et enfin il le relit pour la composition trimestrielle.
    Pour une mémorisation définitive, je crois qu'il faut ajouter une relecture vers 1an.
    Alain
  • Perso j'ai un gros problème de mémoire ; et donc dès le plus jeune âge j'ai bûché pour comprendre les choses ...

    Pour donner un exemple que j'ai déjà cité, Pythagore c'était trop compliqué à retenir ; mais je voyais le dessin qui me permettait de le démontrer, et à force de pratique la formule a fini par rentrer.

    J'ai fait comme cela pour toutes les maths, du collège jusqu'à la prépa. Résultat : bien que n'ayant plus fait d'algèbre générale après ma M', les souvenirs sont revenus très vite lorsque j'ai préparé l'agreg (5 ans après) et récemment encore j'étais amené à relire un peu de groupes opérant sur un ensemble, choses pas pratiquées par ailleurs.

    Lors de la préparation d'un cours, y compris lorsque ça a été de l'algèbre de L1 ou L2, j'ai rarement eu besoin de relire une démonstration et plus rarement encore l'énoncé d'un théorème. L'essentiel de mon travail consiste plutôt à voir comment j'ai envie d'aborder les choses, mettre ma petite touche perso tout en vérifiant parfois auprès de manuels que je n'oublie rien d'essentiel, et en plus des exercices classiques, pour les TD j'aime bien inventer des exos à moi.

    Donc personnellement, la mémoire a été compensée par un énorme travail (cette année, je n'aurais pris qu'une seule semaine de vacances par exemple, même si durant cet été je bosse évidemment moins que durant l'année, et lorsque mes parents me forçaient à partir en vacances j'étais sur la plage avec des bouquins de maths :-D), ce qui fait qu'aujourd'hui les théorèmes "basiques" de maths pour moi c'est comme écrire un français correct (certainement avec quelques fautes).

    EDIT : et étant matinal lorsque j'étais jeune, la méthode de travail a toujours été la même : lever à 4h30 (j'ai eu le droit de me coucher après 21h qu'à 17 ans), relecture active de tous les cours de la veille au moment où on est en forme pour s'en imprégner et préparer les questions à chaud pour mes professeurs.
  • Merci de tous ces conseils et témoignages.
  • Quintilien consacre un long développement à la mémoire dans son Institution oratoire, au livre XI http://remacle.org/bloodwolf/orateurs/quintilien/instorat11.htm .

    En particulier :
    "Cependant, si l'on me demande en quoi consiste véritablement l'art de la mémoire, je répondrai que c'est dans l'exercice et le travail. Apprendre beaucoup, méditer beaucoup, et, si on le peut, tous les jours, voilà ce qu'il y a de plus efficace. Rien ne s'accroît autant par la culture, rien ne diminue autant par la négligence. On ne saurait donc, comme je l'ai recommandé, faire apprendre de trop bonne heure aux enfants tout ce qu'ils pourront retenir; et, à quelque âge que ce soit, quiconque voudra cultiver sa mémoire doit se résoudre à dévorer d'abord l'ennui de repasser sans cesse ce qu'il a écrit, ce qu'il a lu, et de remâcher, pour ainsi dire, les mêmes aliments."

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