Surfaces localement isométriques

Bonjour,

On me définit l'isométrie locale entre deux surfaces comme la possibilité pour tout point d'une des surfaces de trouver un point de l'autre surface et une isométrie local entre deux ouverts autour de ces points.

Cette notion de surfaces ( dans $ \mathbb{R}^3$ ) localement isométriques a du mal à passer : si je prends un cylindre ( genre un rouleau de sopalin vide ) et que je colle par bords une demi-sphère ( genre un demi citron vidé de même rayon collé à son extrémité ), j'obtiens selon moi une surface localement isométrique à la sphère car pour tout point de la sphère je peux trouver un point de ma construction bizarre ( explicitement le pôle du citron ) et une isométrie locale entre deux voisinages de ces points.

Bon si je prends un point du sopalin, alors cette fois ci je ne peux pas trouver d'isométrie local entre un voisinage de ce point et un voisinage d'un point de la sphère. J'en conclu que la sphère est localement isométrique à mon sopalin-citron, tandis que mon sopalin-citron n'est pas localement isométrique à la sphère : cela n'a aucun sens !

Et j'aurais une autre question : on m'a dit que la réciproque du théorème Eggregium est fausse. Quelqu'un peut-il fournir un contre-exemple le plus simple possible ( donc deux surfaces ayant même courbure de Gauss mais non localement isométriques ) ?

Merci

Réponses

  • Comment est-ce que tu définis l'application entre tes deux surfaces candidates à être localement isométriques ? Dans quel sens va-t-elle ?
    Du sopalin-citron vers l'orange, tu écrases sans doute le cylindre sur un grand cercle de la sphère. Pour un point de ce grand cercle, tu sais trouver un petit disque autour du point sur la sphère et un petit disque sur la réunion d'une demi-sphère et du cylindre qui sont isométriques ? D'où problème.
    Dans l'autre sens, ce n'est pas mieux : il n'y a pas d'application localement isométrique dans l'autre sens non plus parce que pour des raisons de courbure, l'image de la sphère est contenue dans la réunion des deux demi-sphères et donc, par connexité, dans une seule des demi-sphères. Il y a un défaut d'injectivité qui empêche d'être une isométrie locale.

    Qu'appelles-tu « réciproque du théorème remarquable » ? Si une application conserve la courbure, alors c'est une isométrie locale ? Autrement dit, tu cherches une application qui préserve la courbure sans être une isométrie locale ? C'est un peu trivial mais une homothétie de rapport $2$ dans le plan euclidien fait l'affaire (la courbure vaut zéro de chaque côté mais l'application n'est évidemment pas une isométrie).
  • Merci ta réponse m'a permis de comprendre mon erreur ( et l'ambiguité de la définition donnée dans mon poly ).
    Prenons deux surfaces $S1$, $S2$.
    En fait si je comprends bien une isométrie locale est une application $f$ définie sur toute la surface $S1$ et qui vérifie la condition que pour tout point $x$ dans $S1$, il existe un voisinage $U$ de $x$ tel que la restriction de $f$ à $U$ soit une isométrie entre $U$ et $f(U)$ ? Cette définition est-elle bonne ?
    L'adjectif local m'induisait en erreur : je pensais qu'on pouvait trouver une application (définie localement) par point ....

    Non pour la deuxième question : le th. Eggregium dit que deux surfaces localement isométriques ont même courbure de Gauss, mais on m'a dit que la réciproque est fausse, c'est à dire qu'il existe des surfaces ayant même courbure de Gauss ( donc j'imagine une bijection de l'une dans l'autre telle que antécédents et images ont même courbure ) mais qui ne sont pas localement isométriques pour autant. Apparemment ce n'est pas trivial.

    L'exercice 83 n'est malheureusement pas disponible dans le poly, sinon je ne poserais pas la question.

    Merci

    [Edit] : Une isométrie locale est -elle nécessairement une bijection ?75788
  • Que pensez-vous de cette définition de mon poly.

    Je persiste à dire que si j'applique cette définition, j'en conclue que la sphère est localement isométrique au sopalin-citron (voir mon premier poste de ce fil).
    Cette définition doit donc être fausse ? Ou c'est moi qui suis encore faux ?75790
  • Bon, tu n'es pas seul dans l'erreur. Une isométrie locale d'une variété $M$ sur une autre $N$, c'est une application différentiable dont la différentielle est une isométrie en tout point. C'est un difféomorphisme local, pas nécessairement une bijection : par exemple, l'application $\R\to\S^1$, $x\mapsto\mathrm{e}^{\mathrm{i}x}$ est une isométrie locale mais elle n'est pas bijective.

    Ton poly, ce ne serait pas celui-ci par hasard ? NB : Dans la plupart des cours, l'exemple immédiat de deux surfaces (plongées) non isométriques qui ont la même courbure de Gauss, ce sont un plan et un cylindre ou un cône, ce qui est une variante de l'homothétie qui préserve la courbure (nulle !) mais pas la métrique. Ce fameux exercice 83 est un exemple moins trivial (mais qui semble faisable).75792
    75794
  • Réponse à ce message : tu ne pourras conclure que les deux surfaces sont localement isométriques que quand tu auras défini une application. Dans quel sens vas-tu ? Du sopalin-citron vers la sphère, où envoies-tu un petit disque autour d'un point à la jonction entre les deux ? De la sphère vers le sopalin-citron, comment définis-tu une application qui n'est pas discontinue et qui n'est pas un « repliement » des deux demi-sphères sur le citron ?
  • Oui ça doit être un extrait de ce poly mais j'avais pas les exos. Merci pour le lien

    Mais attention Math Coss car ton exemple montre que:

    - le plan et le cylindre ont même courbure de Gauss sans être isométriques
    - mais le plan et le cylindre ont même courbure de Gauss et sont localement isométriques


    Moi ma question est : trouver deux surfaces ayant même courbure de Gauss sans être localement isométriques. Le plan/cylindre ne répond pas à cette question. L'exercice 83 semble y répondre : je vais essayer de le résoudre et je reposterais.

    En fait je pense que les surfaces de même courbures non-isométriques sont beaucoup plus intuitives que les surfaces de même courbure non localement isométriques.




    Pour répondre à ton dernier message, et au risque de paraître borné, j'affirme que, me basant sur cette définition, et en ajoutant que le demi-citron et l'orange ont même rayon :

    Soit $x$ un point de l'orange. et $U$ un "petit" voisinage de x (qui ne dépasse pas l'équateur si on voit $x$ comme un pôle ). Alors je définis une application de $U$ dans le sopalin-citron qui envoi $x$ sur le pôle du citron et tout les points suivent par identification du demi citron et de la demi-orange. En gros on associe le point $x$ considéré de l'orange au pôle du citron, et les autres suivent naturellement. Quel que soit le point $x$ de l'orange je peux donc trouver une application d'un ouvert de $x$ dans le demi-citron qui conserve à l'évidence les distances géodésiques, conformément à la définition donnée d'isométrie locale, d'où orange localement isométrique à sopalin-citron.

    Voila je pense au final que c'est pas le plus important, la définition que tu donnes plus haut pour les variétés me convient bien mieux.

    Merci pour tes réponses/images

    Si je puis me permettre de demander si quelqu'un aurait un exemple de deux surfaces plongées ayant même courbure de Gauss, non localement isométrique, et homéomorphes ? (celles de l'exercice 83 ne sont pas homéomorphes il me semble ).

    Merci
  • J'avoue que j'ai pratiqué un joyeux mélange de surfaces plongées et de variétés abstraites, heureusement tu sépares les choses.

    Les surfaces de l'exercice 83 ne sont pas homéomorphes mais le problème est local : il suffit de restreindre les paramètres $(t,\theta)$ à un ouvert sur lequel le paramétrage est bijectif, par exemple $\R^{+*}\times\left]-\pi,\pi\right[$.
  • Résolution de l'exercice 83:

    Question 1) :

    On calcul les coefficients de la première forme fondamentale au point de paramètre $(t,\theta) \in \mathbb{R}_+^*\times\mathbb{R}$ :
    $E_{t,\theta} = \langle \partial_t \varphi , \partial_t \varphi \rangle = 1 + t^2$
    $G_{t,\theta} = \langle \partial_{\theta}\varphi , \partial_{\theta} \varphi \rangle = t^2$
    $F_{t,\theta} = \langle \partial_t \varphi, \partial_{\theta} \varphi \rangle = 0$

    Un vecteur orthogonal au point de paramètre $(t,\theta)$ est : $O_{t,\theta} = \partial_t \varphi \wedge \partial_{\theta} \varphi = ( cos(\theta), sin(\theta), -t )$, donc $ N_{t,\theta} = \frac{O_{t,\theta}}{\| O_{t,\theta} \|} = \frac{O_{t,\theta}}{\sqrt{1+t^2}}$ est un vecteur normal orthogonal au point $\varphi(t,\theta)$. On en déduit les coéfficients de la deuxième forme fondamentale au point $\varphi(t,\theta)$ :

    $ e_{t,\theta} = \langle N_{t,\theta} ,\partial_t^2 \varphi \rangle = \frac{1}{t\sqrt{1+t^2}} $
    $g_{t,\theta} = \langle N_{t,\theta}, \partial_{\theta}^2 \varphi \rangle = \frac{-t}{\sqrt{1+t^2}}$
    $f_{t,\theta} = \langle N_{t,\theta}, \partial_{\theta}\partial_t \varphi \rangle = 0$

    On en déduit la courbure au point $\varphi(t,\theta)$ :

    $K( \varphi(t,\theta) ) = \frac{ e_{t,\theta}g_{t,\theta} - f_{t,\theta}^2 }{ E_{t,\theta}G_{t,\theta} - F_{t,\theta}^2 } = \frac{-1}{(1+t^2)^2}$

    Question 2) :

    On calcul les coefficients de la première forme fondamentale au point de paramètre $(t,\theta) \in \mathbb{R}_+^*\times\mathbb{R}$ :
    $E_{t,\theta} = \langle \partial_t \psi , \partial_t \psi \rangle = 1$
    $G_{t,\theta} = \langle \partial_{\theta}\psi , \partial_{\theta} \psi \rangle = 1+t^2$
    $F_{t,\theta} = \langle \partial_t \psi, \partial_{\theta} \psi \rangle = 0$

    Un vecteur orthogonal au point de paramètre $(t,\theta)$ est : $O_{t,\theta} = \partial_t \psi \wedge \partial_{\theta} \psi = ( sin(\theta), -cos(\theta), t )$, donc $ N_{t,\theta} = \frac{O_{t,\theta}}{\| O_{t,\theta} \|} = \frac{O_{t,\theta}}{\sqrt{1+t^2}}$ est un vecteur normal orthogonal au point $\psi(t,\theta)$. On en déduit les coéfficients de la deuxième forme fondamentale au point $\psi(t,\theta)$ :

    $ e_{t,\theta} = \langle N_{t,\theta} ,\partial_t^2 \psi \rangle = 0 $, donc même pas besoin de calculer $g_{t,\theta}$
    $f_{t,\theta} = \langle N_{t,\theta}, \partial_{\theta}\partial_t \psi \rangle = -1$

    On en déduit la courbure au point $\psi(t,\theta)$ :

    $K( \psi(t,\theta) ) = \frac{ e_{t,\theta}g_{t,\theta} - f_{t,\theta}^2 }{ E_{t,\theta}G_{t,\theta} - F_{t,\theta}^2 } = \frac{-1}{(1+t^2)^2} = K( \varphi(t,\theta) ) $


    Conclusion : l'application surjective $F$ de la surface de révolution $S$ vers l'hélicoide $H$ qui au point $\varphi(t,\theta)$ associe le point $\psi(t,\theta)$ ( pour $(t,\theta) \in \mathbb{R}_+^*\times\mathbb{R}$ ) vérifie $ K(\psi(t,\theta)) = K( F( \varphi(t,\theta) ) ) = K( \varphi(t,\theta) )$. Ces deux surfaces ont donc même courbure de Gauss. Si en plus on restreint le paramètre $\theta$ à un segment ouvert de longueur strictement inférieure à $2\pi$, $F$ est bijective.



    Question 3) :

    $S$ et $H$ sont localement isométrique par $F$ si et seulement si les coefficients de la première forme fondamentale en $a = \varphi(t,\theta)) \in S$ sont égaux à ceux en $F(a) \in H$. Or cela est mis en défaut (par exemple) pour $(t,\theta) = (1,0)$ (edit : et même pour tout $(t,\theta) \ne (0,\theta)$ )

    $(E_\varphi, G_\varphi, F_\varphi)_{1,0} = (2,1,0) \ne (1,2,0) = (E_\psi,G_\psi, F_\psi)_{1,0}$




    Cette résolution est-elle convenable ?

    L'image qui suit montre les deux surfaces $S$ et $H$ paramétrées dans $]0;3[\times]0;6[$ ( pour avoir une bijection ). Du coup on peut dire que les deux surfaces en images ci-dessous vérifient :

    - elles ont même courbure de Gauss via la bijection $F$
    - elles sont homéomorphes (par $F$)
    - elles ne sont pas isométriques (par $F$)
    - elles ne sont pas localement isométriques (par $F$)

    Voila le seul truc qui me chagrine c'est qu'en fait j'ai montré qu $S$ et $H$ ne sont pas localement isométriques par F. A priori, rien ne me dit qu'il n'existe pas une autre application de $S$ vers $H$ qui soit une isométrie locale .... ? Qu'en penses-tu ? Il faudrait montrer qu'il n'existe aucune isométrie locale de $S$ vers $H$, ce qui me semble plus compliqué.75812
  • Je ne suis pas d'accord pour la question 3 (mais il faut prendre ce désaccord avec prudence, comme le montre ce qui précède). Ce qu'il faut comparer, me semble-t-il, ce sont les courbures principales. On sait que leur produit est la courbure de Gauss et que celle-ci est égale sur les deux surfaces, il suffit donc de différencier la somme des courbures principales $k_1$ et $k_2$. Sachant que le produit $k_1k_2$ est le même sur les deux surfaces, il suffit de montrer que la somme $k_1+k_2$ n'est pas la même (*). Une façon de le faire, c'est de calculer la trace de l'endomorphisme $F_p$, qui est la trace de $\mathrm{I}_p^{-1}\mathrm{II}_p$ (cf. poly de Vincent Guedj, p. 79 ou ex. 70).

    Spoiler : sauf erreur(s) de calcul, la trace est partout nulle pour $\psi$ et jamais nulle pour $\varphi$.


    (*) En résolvant $X^2+(k_1+k_2)X+k_1k_2=0$, on voit que $\{k_1,k_2\}=\{k'_1,k'_2\}$ SSI $k_1+k_2=k'_1+k'_2$ et $k_1k_2=k'_1k'_2$.
  • C'est bizarre Math Coss car pour répondre à la question 3) je me suis basé sur la Proposition 2.3.6) page 69 du même poly, que je remets ici et qui est on ne peut plus clair ( on a même la démo ).


    SInon :

    Le plan a en tout point sa courbure de Gauss nulle et ses deux courbures principales nulles, donc de somme nulle.

    Le cylindre a en tout point sa courbure de Gauss nulle, l'une de ses courbure principale nulle et l'autre non nulle, donc de somme non-nulle.

    Et le plan et le cylindre sont localement isométriques.

    Autrement dit, l'exemple du plan/cylindre montre que le fait d'avoir des sommes de courbures principales différentes ( pour une même courbure de Gauss ) n'implique pas nécessairement la non-isométrie locale.

    Tu as compris donc que je ne suis pas d'accord avec toi sur ton dernier post : la comparaison des courbures principales et de leurs somme ne permet pas, en règle générale, de conclure à la non-isométrie locale.
    Je suis entrain de chercher un autre contre-exemple.75830
  • Tu as raison, je me suis trompé. Les courbures principales n'ont pas grand-chose à voir avec l'isométrie locale. (L'exemple du plan et du cylindre est très convaincant à ce sujet !)

    Je finis par être d'accord avec ta solution de 3), qui me semble-t-il montre que $d\varphi^{-1}d\psi$ n'est pas une isométrie. Reste à montrer qu'il n'en existe pas du tout.

    Côté isométrie locale, la définition de ce message ne paraît pas complète puisque la relation « être localement isométrique » n'est pas symétrique, comme le montre ton exemple d'orange et de sopalin-citron. Néanmoins, la définition 2.3.5 de Vincent Guedj, elle, force la symétrie et met en défaut ce même exemple.
  • Tu as tout compris à mon exemple du sopalin-citron, mon incompréhension du premier poste venait de la non symétrie de cette très mauvaise (fausse ?) définition. Tout est plus clair maintenant.

    En fait montrer que les deux surfaces n'ont pas la même première forme fondamentale (et donc ne sont pas localement isométriques) revient à montrer que l'application linéaire "différentielle de $F$ au point $\varphi(t,\theta)$" :

    $DF_{t,\theta} : T_{\varphi(t,\theta)}S \longrightarrow T_{F(\varphi(t,\theta))}H = T_{\psi(t,\theta)}H$

    n'est pas une isométrie vectorielle (voir pages 63-64 et 69 du poly ).

    ( $TpX$ désigne le plan tangent en $p$ à la surface $X$)


    Montrer qu'il n'existe aucune isométrie locale entre $S$ et $H$ ( ou plus généralement entre deux surfaces ), me semble très très très très compliqué !

    Aurais-tu des idées sur comment faire pour démontrer cela ? Et si quelqu'un a des liens/ressources sur ce sujet, je suis très preneur.

    Merci
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