Wantzel, constructibilité règle et compas

Bonjour
Un questionnement sur l'article de P.L. Wantzel ne cesse de m'obséder... il s'agit de "Recherches sur les moyens de reconnaître si un Problème de Géométrie peut se résoudre avec la règle et le compas" publié dans : Journal de mathématiques pures et appliquées 1resérie, tome 2 (1837), p. 366-372.
Article accessible ici : http://sites.mathdoc.fr/JMPA/PDF/JMPA_1837_1_2_A31_0.pdf

L'article de P.L. Wantzel s'articule en deux parties, de ce que je comprends, il y a :
- La 1ère partie qui donne le positionnement du problème, l'hypothèse, le contexte de la démonstration.
- La 2ème partie est une longue et fastidieuse démonstration laquelle s'appuie sur, il me semble, la réduction d'un système de n d'équations au plus du second degré.

Toutefois, je me suis toujours interrogé quand au positionnement du problème dans la 1ère partie, notamment quand il est affirmé que la résolution de ce problème passe nécessairement, et de façon implicite uniquement (là je bloque), par la résolution d'un système d'équations, au plus, du second degré... C'est là ma question, comment on peut l'affirmer alors que l'on est dans l'hypothèse à la base de la démonstration.

Certes, René Descartes avait déjà montré la construction d'un nombre à la règle et au compas à partir des opérations élémentaires, l'addition, la soustraction, la multiplication, la division et la racine carrée... comme si P.L. Wantzel avait réalisé un "prolongement" à partir de ces considérations.

Outre le positionnement du problème qui m’interpelle, je me suis toujours demandé pourquoi dans l'hypothèse, l'équation de la droite est prise pour "elle même" en ce sens (et ici je rajoute un élément à l'hypothèse) qu'elle ne serait pas considérée comme la tangente à une courbe quelconque dont l'ensemble de ses points ne sont pas connus.

L'article de P.L. Wantzel précise "Nous traiterons seulement ici le cas où l'équation du problème est algébrique."
Toutefois, je ferai remarquer qu'a priori rien n'empêche de considérer des courbes transcendantes dans le problème.

En vous remerciant à l'avance pour vos avis éclairés.

Réponses

  • Bonjour.

    Il s'agit de traiter des figures "par cercles et droites". Donc explicitement, sont rejetées toutes les autres courbes. En passant des droites et cercles à leurs équations et réciproquement, on fait un total parallèle entre les constructions géométriques et les traitements d'équations.
    Ces équations sont du premier degré pour les droites (ax+by+c=0 avec (a,b) $\neq$ (0,0)) et du second degré pour les cercles ( (x-a)²+(y-b)²=R²). les intersections de droites s'obtiennent en résolvant un système d'équation du premier degré, qui se ramène à une équation de degré 1, les intersections de droites et cercles ou de deux cercles s'obtiennent en résolvant un système d'équation du second degré, qui se ramène à une équation de degré 2 (si tu n'es pas convaincu, essaie). Enfin le report d'une distance (comme rayon d'un nouveau cercle) demande le calcul d'une expression par un calcul du second degré (*). Donc toute construction de points constructibles à pour correspondante une résolution d'équation de degré 1 ou 2. Equation dont les coefficients sont déjà éventuellement obtenus par des résolutions de même genre. Etc.

    Pour compléter ta lecture de Wantzel, tu devrais lire un traité moderne sur le sujet, par exemple l'excellent livre de Jean Claude Carréga : Théorie des corps, la règle et le compas.

    Cordialement.

    (*) mais on peut même se passer de ce report de distances, comme on l'a vu dans un fil de discussion récent.
  • Bonjour gerard0
    Tout d'abord, merci pour votre réponse, votre éclairage.

    Je me dois de préciser de ce que j'ai compris quant à la problématique liée aux constructions à la règle et au compas.
    Certes, il s'agit d'utiliser uniquement les deux instruments "historiques", soit une règle non graduée et un compas "basique" lesquels sont assujettis à tracer géométriquement des droites et des cercles, et bien entendu au sens mathématique on va utiliser uniquement des droites et des cercles, les équations associées bien connues (pour peu que l'on utilise un repère cartésien orthonormé, ce que l'on présuppose).

    À ce titre, j'ai cherché à me renseigner, entre autres j'ai lu avec attention le livre de Jean-Claude Carréga qui à mes yeux repose sur l'hypothèse de P.L. Wantzel. Néanmoins, je n'ai toujours pas compris pourquoi le problème posé entre autres "la quadrature du cercle" le plus connu, le plus évoqué, repose sur l'affirmation qu'il s'agit de la résolution d'un système de n équations au plus du second degré. Les deux outils "élémentaires" donnés, certes nous donnent des droites et des cercles, mais rien n'indique que l'on doit s'appuyer uniquement sur ces figures géométriques. Même si d'autres courbes composées de points présupposés inconnus, je n'ai pas perçu dans les problèmes cette limitation.

    Partir uniquement des droites et des cercles issus de construction(s) géométrique(s) c'est ne pas prendre en compte d'autres "informations" en l’occurrence de courbes inconnues (au sens tous les points ne sont "directement" constructibles), je m'en explique un peu plus avant.
    Supposons une courbe transcendante telle l'exponentielle exprimée par y = exp*(x*ln(A)); soit y est fonction d'une puissance de x de base A. Rien n'empêche à priori d'obtenir des points constructibles dans cette courbe et là où je souhaite en venir c'est qu'il y a des droites associées à des tangentes dont on peut connaître le coefficient directeur algébriquement et constructible. À partir de l'information contenue dans la droite en tant que tangente à une courbe non constructible point par point... Je me demande quelle serait la conclusion de l'hypothèse initiale en rajoutant cette "considération".

    Je ne suis pas ici pour provoquer mais pour comprendre.
    Cordialement.
  • Rien n'empêche à priori d'obtenir des points constructibles dans cette courbe et là où je souhaite en venir c'est qu'il y a des droites associées à des tangentes dont on peut connaître le coefficient directeur algébriquement et constructible.

    Peux-tu expliquer plus clairement ce que tu veux dire ? Je ne vois pas en quoi ça nous fait sortir du fait que les points constructibles à la règle et au compas ont leurs coordonnées dans une extension du corps de base obtenue comme une suite d'extensions de degré $2$ (en résolvant des équations quadratiques).
  • Bern,

    si je comprends bien, tu dis que le problème de la construction "par droites et cercles" (nom initial) dit maintenant "à la règle et au compas" n'est pas celui que tout le monde dit (on n'a droit qu'à utiliser des droites définies par 2 points connus et des cercles de centre connu et passant par un point connu), mais qu'on peut faire autre chose (" mais rien n'indique que l'on doit s'appuyer uniquement sur ces figures géométriques").
    Ce que tu appelles "l'hypothèse de P.L. Wantzel" est la règle du jeu.

    Bien sûr, on sait faire bien autre chose en géométrie, obtenir un carré de même aire qu'un cercle donné ou couper un angle en trois avec d'autres courbes simples que droites et cercle. C'est connu depuis l'antiquité. Mais ce qui ,était en cause depuis plus de 2000 ans quand Wantzel a défini clairement la question, c'était de n'utiliser que deux types de courbes : les droites et les cercles. Et de façon algorithmique, c'est à dire la règle que je rappelle ci-dessus.

    Donc reprends sérieusement ton étude, pour savoir de quoi on parle.

    Cordialement.
  • Petit complément : comment résoudre graphiquement
    l'équation $x^2-sx+p=0$

    (1) Poser les points $U:(0,1)$, $S:(s, 0)$ , $Q:(0,p)$ et $P:(0,p+1)$ .
    (2) W est le milieu de $[SP]$.
    (3) Le cercle de Carlyle de centre w passant par U
    coupe l'axe des $x$ en $X$ et $X'$ dont les abscisses sont
    les solutions cherchées.

    Preuve via Viète.84226
  • Bonjour à tous,

    Tout d'abord, merci pour vos réponses.

    De ce que je perçois, je me demande si on évoque le même problème, à savoir, entre celui des nombres constructibles à la règle et au compas lequel est décliné par P.L. Wantzel, et celui de façon plus général affiché nos Géomètres des Anciens Temps...

    P.L. Wantzel explicite dans son article la base de son raisonnement, que la solution du problème s'articule sur la résolution d'un système de n équations du second degré, nonobstant sa dernière phrase dans le premier paragraphe de son article "Nous traiterons seulement ici le cas où l'équation du problème est algébrique."

    Dès lors, si on ne sort pas du cadre de la résolution d'un système d'équations du second degré, j'en conviens, c'est peine perdue.
    D'où mon interrogation en positionnant, si j'ose me le permettre, le problème d'une autre façon, d'un autre point de vue, quant à l'approche des constructions géométriques à la règle et au compas.

    Je vais continuer à creuser mon hypothèse, "mon étude", ayant quelques pistes en cours, je ne manquerai pas de vous en faire part dès lors que ma réflexion sera suffisamment aboutie.

    Encore merci pour vos remarques.
  • Désolé,

    je n'ai rien compris !!
    En tout cas, si tu utilises autre choses que des tours d'équations avec des équations de degré 1 et 2, c'est à toi de prouver que ça traduit vraiment le problème grec original de "tracé par droites et cercles". Sinon, tu ne peux appeler ça "constructions à la règle et au compas", même si tu fais la comparaison.
    Pour l'instant, dans tes interventions ici, tu n'as fait que contester que le problème se ramène bien à résoudre des tours d'équations avec des équations de degré 1 et 2, sans apporter la moindre justification (autre que "je n'y crois pas" qui est le degré 0 de la preuve).

    Bonne chance pour faire une telle preuve.
  • Les règles de la construction à la règle et au compas ne sont pas ambiguës et clairement expliquées en maints endroits, en particulier dans le livre de Jean-Claude Carrega.

    Si on utilise une courbe annexe, d'équation $y=x^a$, ou $y^2=x^3/(2-x)$ (cissoïde de Dioclès), eh bien, on ne fait pas une construction à la règle et au compas. Le problème de ce que l'on peut tracer avec ce type de courbes en plus peut être intéressant (selon la courbe, sans doute). Par exemple, Carrega montre qu'avec une cissoïde en plus de la règle et du compas, on peut réaliser la trisection de l'angle. Avec un traceur de paraboles ou d'ellipse, on peut si je me rappelle bien résoudre géométriquement toutes les équations de degré $3$ ou $4$. Etc.
  • Bonne Nuit à tous
    Pour mémoire
    Amicalement
    [small]p[/small]appus
  • Merci pappus.

    Géométrie et théorie de Galois, que demander de plus ?

    Amicalement,
    gai requin
  • Merci Gai Requin!
    Comment vas-tu?
    Cela fait un bail que nous n'avions pas dialogué!
    Mais j'aurais préféré des remerciements de Bern en espérant qu'il ait des idées plus claires après avoir lu cet article!
    Amicalement
    [small]p[/small]appus
  • Bonjour pappus,

    Je vais très bien et j'espère que c'est aussi ton cas.

    Le papier d'Arnaudiès-Delezoide est génial mais peut-être à éviter aux âmes sensibles.
    Je m'y plongerai quand, avec Claude Quitté, on aura fini un travail qu'on a entrepris sur les courbes elliptiques et les coniques sur $\mathbb Q_p$ (cf [ce long fil])...

    Bonne journée !
  • Bonjour Gai Requin
    Cinquante mille vues, whaoh!! Bravo à Claude Quitté et à toi!
    Cela laisse rêveur!
    Difficile d'atteindre un tel score en Géométrie même avec les plus beaux problèmes de Poulbot!
    Pour te donner une idée de la popularité de la Géométrie en France, je crois que nous sommes arrivés sur ce forum une seule fois à un score de cet ordre de grandeur, environ vingt mille vues d'après mes souvenirs mais quelle pouvait bien être le sujet de cette belle discussion?
    Amicalement
    [small]p[/small]appus
  • Bonjour,

    Constatant que le sujet que j'ai initié a suscité vos réactions, je me dois de préciser ma "pensée", de vous présenter une démarche que justement que je n'ai pas vu par ailleurs, tel est l'objet de mon questionnement sur ce fil de discussion.

    Je conviens que le problème des nombres constructibles à la règle et au compas peut être étendu en s'appuyant sur d'autres "artifices", tels des outils pour tracer des coniques, une ou des courbes présupposées construites point par point à l'instar de la cissoïde Dioclès... mais mon propos est le suivant :
    On conçoit que si l'on utilise une, des courbes complémentaires à un ensemble de droites, de cercles, la nature du problème est d'un autre ordre.
    Ce que je souhaite mettre en avant, c'est qu'une droite n'est pas seulement une droite pour elle même, typiquement son équation générale y = ax + b peut aussi être représentative d'une tangente à une courbe, et c'est là la nuance, pas forcément tracée point par point.

    La fonction exponentielle n'est pas définissable point par point à la règle et au compas, pour autant on peut obtenir une tangente dont le coefficient directeur est algébrique, constructible relativement à un point de cette courbe sans que toutes les coordonnées du point à la tangente soient algébriques.

    Un exemple simple : La fonction y = f(x) = exp(x) et sa dérivée a = f'(x) = exp(x); je choisis le point tel que x = ln(3) certes nombre transcendant donc de fait à priori non constructible, dans ce cas y = a = 3. Ici le coefficient directeur de la tangente est constructible mais bien entendu, on ne peut pas le positionner sur la courbe, au mieux on pourra en tracer des droites parallèles.

    La démarche proposée consiste à considérer une courbe ou des courbes non tracées point par point, de prime abord inconnues, mais relevant d'un système, d'une construction qui s'appuie sur, outre les équations de droites, de cercles, mais aussi sur des droites vues comme des tangentes à des courbes de fait présupposées inconnues.

    En espérant avoir été plus clair dans mes explications quant à ma proposition du positionnement du problème.

    Bien cordialement
  • C'est ton problème, traite-le en ne lui donnant pas le nom d'un autre problème.
    Mais je ne vois pas trop l'intérêt, car (à priori) tu permets tout, et que tu ne dis pas quel utilité ça aura. Autant faire de la géométrie habituelle.

    Cordialement.
  • Mon cher Bern
    Tout a été dit sur ce qu'on peut faire comme constructions avec la règle et le compas.
    Si tu ne nous dis pas exactement les nouvelles règles du jeu, tu nous fais perdre notre temps et tu perds aussi le tien.
    Puisque tu cherches un problème sur lequel te casser les dents, en voici un.
    Tu disposes d'un logiciel de géométrie dynamique.
    Sur ton écran, tu vois un point $O$, un point $m$ et une droite $T$ passant par $m$, ce sont les données!
    Avec les outils du logiciel tracer la spirale logarithmique de pôle $O$, tangente à la droite $T$ au point $m$.
    Amicalement
    [small]p[/small]appus84428
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