Connes, topos et vérité
Adorateurs de la secte du saint Grothendieck, bonjour.
Je poste ici en réaction d'une, sans doute même deux, conférences de Connes que j'ai pu voir sur Youtube, dans lesquelles il disait une chose que je n'ai jamais comprise car je n'ai jamais touché à la géométrie algébrique.
En gros, il affirmait que depuis la théorie des topos de Grothendieck, notre vision mathématique toute entière, et même notre vision philosophique, se verraient bouleversées, car le principe du tiers exclu n'était plus vraiment un absolu. Il nous disait qu'une assertion n'était pas forcément soit vraie, soit fausse, dans les histoires de topos. Je me souviens que les vidéos qu'il avait présentées ne s'adressaient pas à un public de matheux, que le fait était relevé de manière assez anecdotique dans le discours, et que par conséquent sa pensée n'était pas accompagnée du "pourquoi mathématique", donc je ne peux pas sortir de mon vague. Il disait même que tout philosophe devait être au courant de la théorie des topos (bon, j'imagine que c'est à relativiser). Pour ceux que ça intéresse, il me semble que c'était dans sa conférence "La pensée en mouvement" trouvable sur YouTube qu'il disait ça, je n'ai plus le titre d'autres conférences en tête.
Je sais que parfois Connes a tendance à s'enjailler un peu beaucoup (dans la même conférence, il nous explique la non commutativité des opérateurs en physique quantique en prenant un anagramme d'une phrase qui change radicalement son sens, ledit anagramme venant comme par hasard de son livre, avant de nous dire "comme c'est beau" en jouant sur une sorte de mysticisme), mais quand même, ça m'a intrigué.
Si c'est possible de le vulgariser, si vous comprenez ce qu'il entend par son histoire de "vérité ni vraie ni fausse en théorie des topos", pourriez-vous m'expliquer ?
Merci beaucoup à vous.
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Réponses
Une anagramme, c'est féminin.
Cordialement,
Rescassol
Ton sérieux est ridicule mais merci de la réponse.
Es-tu allé faire un tour sur le site d'Alain Connes ?
Il y a ce document : http://www.alainconnes.org/docs/topotopos.pdf
Sinon tu peux regarder la page wikipedia sur les topos qui te donnera peut-être une vague idée de ce qu'est un topos et te donneras des références.
Je possède le livre Topoi de Robert Goldblatt mais j'avoue ne pas être allé assez loin pour répondre à ta question (on peut le télécharger sur project euclid).
Merci pour le document que je vais lire.
J'avoue bêtement ne même pas avoir pensé à aller sur la page du concerné.
Je m'étais un peu vaguement renseigné sur ce qu'était un topos mais pas dans l'optique d'étudier sérieusement le sujet qui semble tentaculaire. Je me disais seulement que puisque Connes préconisait leur connaissance aux philosophes, c'est que la notion devait être "vulgarisable".
Voir peut-être le bouquin de Lawvere "sets for mathematics".
Cordialement.
Jean-Louis.
Un exemple simple de topos est le topos des faisceaux sur un espace topologique $X$. De façon un peu sloganesque, les faisceaux sont des familles d'ensembles variant continûment, paramétrés par l'espace topologique $X$. Quand on travaille de façon interne à ce topos, les valeurs de vérité attribuées à un énoncé sont des ouverts de $X$. En suivant le slogan, ça se comprend bien :
Quand on travaille dans les ensembles, les valeurs de vérité sont soit $0=\emptyset$ (faux) soit $1=\{\emptyset\}$ (vrai), autrement dit ce sont les parties du singleton $1=\{\emptyset\}$. Une famille de singletons paramétrée par $X$, c'est tout bonnement $X$. Les valeurs de vérité d'un énoncé dans le topos des faisceaux sur $X$ sont des parties de $X$ (là où l'énoncé est vrai), et la "variation continue" se traduit par le fait que ces valeurs de vérité sont en fait des ouverts de $X$ : la vérité en $x\in X$ résiste aux petites perturbations.
La négation, sur les valeurs de vérité, correspond à prendre l'intérieur du complémentaire. La disjonction, à prendre l'union.
On voit donc bien que $p\vee \neg p$ n'a aucune raison d'être le vrai partout : si $U$ est un ouvert de $X$, la réunion de $U$ et de l'intérieur de son complémentaire ne fait pas tout $X$, en général.
Merci à GBZM pour son post éclairant, ainsi que pour la vidéo que je vais regarder.
La grande question, n'y connaissant rien d'autre que le contenu de ce topic, est de comprendre en quoi derrière une telle notion de table de vérité définie comme un ouvert se cache quelque chose de tangible et concret (suffisamment encore pour que Connes affirme que tout philosophe doit connaitre). En l'état c'est une définition très abstraite qui est en jeu, même si j'en comprends la logique avec cette définition un peu vulgarisée des faisceaux.
Oui, j'en suis bien conscient, d'où la question. Qu'ils soient d'accord ou non je veux seulement savoir si des gens comprennent où Connes veut venir en prêtant aux topos (je n'ai aucune idée de si on dit topoï mais je n'entends jamais ce pluriel dans un contexte mathématique) une dimension supérieure à la simple géométrie algébrique.
Il y a des choses intéressantes (au moins pour certains) dans les rapports entre topos et logique. Par exemple la notion de topos classifiant d'une théorie. Je crois qu'Olivia Caramello en parle abondamment.
J'irai donc voir de son côté à elle en commençant par la conférence envoyée par Philippe Malot. Merci d'avoir pris du temps pour répondre !