Epistémologie des mathématiques

Bonjour, voici un lien vers une excellente conférence de Gilles Dowek (professeur à l'école polytechnique en informatique théorique) sur "la thèse de Church et la déraisonnable efficacité des mathématiques". Cette conférence est très intéressante et ses conclusions pour le moins surprenantes. Voici le lien : http://interstices.info/jcms/c_14428/les-fondements-de-l-informatique
Si quelqu'un veut en discuter je serai ravi d'autant que je n'ai pas bien compris pourquoi la thèse de Church implique que le monde soit mathématisable (c'est la seconde implication de l'exposé B=>C).

Bien à vous
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Réponses

  • Bonjour.

    Le lien pointe sur une recension d'ouvrage. Est-ce le bon ?

    "la thèse de Church implique que le monde soit mathématisable" : Dit comme ça c'est de la prétention de mathématicien. Mais après tout, Hilbert lui même a cru que les mathématiques pourraient justifier leur propre justesse.
    Le monde est toujours surprenant, penser qu'on peut le ramener à une théorie, quelle qu'elle soit, est un moteur d'action et de réflexion, mais ne peut aboutir. L'équation physique ultime fait rêver les physiciens. On peut le comprendre. Mais qu'un matheux habitué aux impossibilités démontrées et aux preuves introuvables utilise ce genre d'expression... mais peut-être n'est-ce qu'une formulation hors contexte.

    Cordialement
  • J'ai trouvé (en fin de liste).

    Apparemment, le raisonnement tourne ainsi : Est mathématisable ce qu'on peut exprimer par un algorithme. Les calculs peuvent être algorithmisés. La modélisation physique (c'est moi qui parle de modélisation, l'auteur parle de "la physique") donne des calculs qui décrivent le monde. Donc le monde est mathématisable.
    Chacune de ces trois phrases est sujette à caution. Et le mot "mathématisable a perdu son intérêt. Mais chaque discipline prétend qu'elle est fondamentale, pourquoi pas l'informatique ?

    Cordialement
  • Gérard . a écrit:
    Les calculs peuvent être algorithmisés
    Sauf erreur, c'est cet énoncé qu'on appelle "la thèse de Church" ou de façon plus habituelle :

    Toute fonction calculable est récursive.

    Bruno
  • Oui la thèse de Church c'est juste prendre une classe de fonctions que l'on sait définir par un $\lambda$-terme et dire que ce sont les seules calculables. La thèse de Turing c'est dire qu'une fonction est calculable ssi il existe une machine de Turing qui s'arrête sur le résultat de la fonction en un nombre fini d'étapes. Ensuite il y a les fonctions récursives de Kleene.
    Bien entendu on a une équivalence entre les trois notions (exercice amusant).

    Mais il y a maintenant une autre thèse qui est la thèse de Turing physique qui affirme que toute mécanisation physique du calcul est polynomialement équivalente à une machine de Turing. On ne sait toujours pas si les ordinateurs quantiques infirment cette thèse, on pense que non. Il y a des résultats sur des machines physiques qui l'infirment mais qui sont irréalisables (exemple de mémoire : machine de Turing dans un trou noir, l'observateur près de la machine calcule plus vite qu'une machine de Turing mais l'information qui doit ressortir mets trop de temps).

    Enfin, ayant rencontré Gilles Dowek, ce n'est pas quelqu'un à prétendre que sa science a réponse à tout, et je ne pense pas qu'il ai voulu dire cela.

    [La case LaTeX. :) AD]
  • Que pensez-vous de la première assertion:" Est mathématisable ce qu'on peut exprimer par un algorithme" ?
  • Merci Deufeufeu,

    de me rassurer sur Gilles Dowek. Je ne connais pas ses écrits. Et un transparent ne rend pas toujours compte de la vraie pensée de l'auteur.

    Par contre " Est mathématisable ce qu'on peut exprimer par un algorithme" est pour moi assez réducteur. Il est vrai que les preuves complètement mathématisées sont transformables en une succession d'étapes que l'on peut ramener à l'application de règles de base, mais çe genre de démarche n'est pas "mathématiser".
    D'ailleurs, plus je réfléchis, moins je comprends ce que veut dire "mathématiser". Est-ce "modéliser" ? Montrer qu'une réalité est mathématique ? Montrer qu'une idée est en correspondance avec une structure mathématique ?

    Dans mon idée, le lien entre mathématique et réalité est un mélange entre notions de modélisation (avec le fait qu'une même réalité a plusieurs modèles et qu'aucun modèle ne peut prétendre dire toute la réalité) et l'idée de Popper des trois mondes ramenée à l'interaction entre les idées et le monde concret. La "déraisonnable efficacité des mathématiques" n'est que le fait que les modèles contiennent un peu de la vérité (adéquation) de la réalité qu'ils simulent, et qu'on oublie toujours les a-peu-près, les erreurs négligeables.

    Cordialement
  • Bonjour Gérard,

    Je vous cite : ""la thèse de Church implique que le monde soit mathématisable" : Dit comme ça c'est de la prétention de mathématicien." Pas vraiment. Pourquoi ? Car comme vous le dîtes judicieusement : "L'équation physique ultime fait rêver les physiciens. On peut le comprendre. Mais qu'un matheux habitué aux impossibilités démontrées et aux preuves introuvables utilise ce genre d'expression... mais peut-être n'est-ce qu'une formulation hors contexte. " En effet, c'est un physicien qui se cache derrière cette thèse, à la fin de sa conférence Dowek donne ses sources, à savoir les physiciens John D. Barrow et David Deutsch, c'est notamment ce dernier qui est à l'origine de l'idée mettant en relation la thèse de Church avec la mathématisation du réel.
    Enfin, si je comprends bien votre dernière intervention, selon vous le monde est mathématisable car en quelque sorte on s'arrange pour qu'il le soit, je m'explique, on épure la réalité, on sélectionne les phénomènes, on commet des approximations et seulement alors le monde est mathématisable modulo ces approximations. Comment alors s'étonner que le monde soit mathématisable si on a tout fait pour qu'il le soit ? Simplement cette idée, que je ne trouve pas fausse, ne fait que repousser le problème, en effet comment se fait-il que l'on puisse approximer la réalité afin qu'elle en devienne mathématisable, le monde pourrait être si chaotique que même moyennant des approximations aucun modèle mathématique ne pourrait être produit. Qu'en pensez-vous ?

    Cordialement
  • Attention Asymptotik.

    Pour moi, le monde n'est pas mathématisable.

    Par contre, les réussites des mathématiques (dans la physique, la chimie, la technologie, et une partie de la biologie) viennent du fait que les régularités (*) de la réalité permettent de mettre en place des modèles (imparfaits, mais utiles). Mais la plupart des situations échappent aux modélisations.

    (*) Sans régularités dans la réalité, nous ne pourrions penser. Voir les travaux sur la construction de la pensée chez l'enfant.

    Cordialement.

    NB : Sur ce forum on se tutoie.
  • Merci Gérard pour votre réponse...qui n'en est pas une, il me semble que vous esquivez le problème que j'ai soulevé plus haut. Je veux bien que l'on rejette l'affirmation selon laquelle le monde est mathématisable (en effet c'est une thèse forte) mais nul doute qu'il l'est partiellement, vous même parlez de modèles " qui contiennent un peu de la vérité (adéquation) de la réalité qu'ils simulent" et des "réussites des mathématiques". Le problème que j'ai mentionné dans mon post précédent reste donc entier. A moins que la clef soit le concept de régularité que vous mentionnez, s'il joue un rôle certain il me paraît insuffisant, comment expliquer que des objets mathématiques comme les coniques inventés aux 5ième siècle av. J.C. en dehors de toute considération empirique et donc de toute régularité observable, en fait pour un problème de duplication du volume du cube, trouve une application 20 siècles plus tard chez Kepler quand celui-ci décrit le mouvement des astres autour du soleil comme des ellipses ? N'y a t-il pas un lien plus profond entre mathématiques et réalité ?

    Cordialement
  • Oui,

    Si on appelle lien une coïncidence, et si on appelle coïncidence un a-peu-près.
    Je te rappelle que le mouvement des astres ne suit pas une ellipse. D'ailleurs Kepler s'est beaucoup servi des ellipses comme base pour trouver des formes ovoïdes censées représenter les orbites es planètes, jusqu'au jour où il a découvert que l'ellipse marchait bien (mieux, disons. mais bien à la précision des mesures).
    Au fait, si on n'avait pas connu les ellipses, quelle aurait été l'ovale utilisée par Kepler ?
    Je sous-entends bien ici que la disponibilité d'un outil permet une modélisation. Reste à savoir si les outils mathématiques sont dans la nature (par exemple théories de l'abstraction) ou créés par les hommes.

    Cordialement.

    NB : Je n'esquive pas le problème, je n'ai tout simplement pas de vraie réponse, ni même de modèle. ;)
  • Que pensez-vous de la première assertion:" Est mathématisable ce qu'on peut exprimer par un algorithme" ?

    Je n'en pense pas grand chose. Entre 1960 et today, il y a eu pas mal de "remaniements" autant en physique qu'en maths (en logique) sur la façon de voir les choses telle qu'elle était encouragée pendant la période Cantor-Hilbert-Godel. A ce momet, il y avait je ne sais comment dire, une sorte de "compulsion" de "contorsion" pour essayer de "voir" avec l'esprit des choses concernant l'infini (ie l'idée qu'on pouvait chercher "les bons" aximes)

    La thèse de Church est typique en ce qu'elle relie 2 choses apparemment impossibles à relier autrement que par un "dogme". Mais contrairement aux apparences, elle énonce surtout un principe déontologique (qui est de parier qu'il est trop dur pour un être humain de trouver des images de valeurs imposées par une fonction non récursive). Elle n'a jamais été mise en défaut en ce sens qu'au jeu suivant, personne (à la place de Bil) n'a encore réussi à vraiment gagner et dire comment il fait de manière reproductible.

    Jeu: TOTO joue un function pascal P(x:string):integer (qui peut éventuellement boucler pour certaines valeurs) et Bil répond par un entier n.
    Bil gagne quand P("P") boucle ou est différent de n


    "P" est simplement le texte du programme non compilé

    Pour ta citation, je n'en comprends pas le sens dans la mesure où il y a plein de fonctions mathématiques non récursives très simples à définir. Devrait-on les considérer comme "non mathématisées"?..
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Bonjour Christophe, merci pour ton intervention, Gérard attribue l'assertion suivante à Dowek : "Est mathématisable ce qu'on peut exprimer par un algorithme" or je ne crois pas que celui-ci ait dit çà explicitement, toutefois sans cette arffirmation je ne vois pas trop comment son raisonnement tient d'où ma demande d'explication initiale. Quelqu'un a t-il vu la video entièrement ?

    Cordialement
  • Bonjour à tous,
    Asymptotic a écrit:
    comment expliquer que des objets mathématiques comme les coniques inventés aux 5ième siècle av. J.C. en dehors de toute considération empirique (...) trouve une application 20 siècles plus tard chez Kepler
    C'est vous qui le dites, cependant il est tout a fait vraisemblable que les anciens avaient observé que la courbe décrite par l'ombre d'un gnomon (un simple bâton planté en terre) ensoleillé est l'intersection d'un cône par un plan. On obtient ainsi une hyperbole. Ce qui démystifie quelque peu le prétendu hasard heureux qui permit à Kepler de trouver les formes exactes de ses trajectoires.
    Quand Wigner parle de la déraisonnable efficacité des mathématiques ne s'extasie-t-il pas à l'instar de monsieur Jourdain sur la prose. En effet combien de concepts mathématiques sont issus de considérations concrètes : la droite d'Euclide est bien le plus court chemin entre deux points, le calcul d'aire est d'origine empirique, etc.
  • Bonjour,

    cependant il est tout a fait vraisemblable que les anciens avaient observé ...

    ou encore l'ombre d'une simple couronne circulaire sur le sol, qui est une ellipse..

    Le terme d'invention est pour le moins inapproprié :)
  • Jean-Claude écrivait:
    >
    > C'est vous qui le dites, cependant il est tout a
    > fait vraisemblable que les anciens avaient observé
    > que la courbe décrite par l'ombre d'un gnomon
    > (un simple bâton planté en terre) ensoleillé est
    > l'intersection d'un cône par un plan. On obtient
    > ainsi une hyperbole.

    Bonjour Jean-claude merci pour cette très intéréssante remarque, il est vrai que pour être très sérieux dans ce débat il faudrait approfondir la génèse de nombreux objets mathématiques et apporter ainsi un éclairage nouveau au problème.
  • Bonjour.

    De ce point de vue historique, il peut être intéressant de voir les "éléments" d'Euclide comme une interprétation physique du monde. Dans leur rédaction originale, il ne s'agit pas (contrairement à ce qu'on en dit souvent) d'une présentation axiomatique, mais d'une analyse de la réalité : "Le point est ce qui n'a pas de parties" qui correspond à l'idée qu'un segment est composé de points, en nombre non déterminé, mais évidemment fini, puisque l'infini actuel n'existe pas pour la plupart des philosophes grecs. D'où le paradoxe de Zénon.
    C'est encore l'analyse de kant, mathématicien de profession. Ce n'est que récemment qu'on a séparé "la mathématique" de la réalité concrète.

    Cordialement
  • Bonjour,
    GERARD, ton analyse va exactement à l'encontre de tout ce que j'ai lu (et cru comprendre) ..
    Vive la pluralité d'opinions ! :)
  • Salut GG.

    Effectivement, la présentation actuelle des "éléments" est une interprétation liée à notre idée des maths. Mais comment était-ce vécu il y a 25 siècles, quand il n'y avait pas de mathématiciens, ni de physiciens, seulement des "penseurs", des philosophes ?
    Je n'ai pas inventé seul cette interprétation, elle m'a été suggérée par un collègue qui avait appris le grec ancien pour pouvoir lire Euclide dans le texte (enfin ce qu'on a de son texte, car il a été copié, recopié, traduit, trahi, ...).

    Pour ce qui est de Kant, il faut se rappeler que pour lui, la géométrie euclidienne est "vraie", elle est le fondement de notre compréhension de l'espace. Comprendre l'espace, n'est-ce pas une des bases de ce qu'on appelle actuellement la physique ?

    Enfin, je vais m'appuyer sur un grand mathématicien moderne, Dieudonné : Pour lui, avant 1900, il n'y a pas de Mathématique. (Je sais que là, je tire un peu trop sur la ficelle, mais je n'ai pas pu résister).

    Cordialement
  • D'accord GERARD, effectivement, je n'ai lu que des choses de deuxième, voire Xième main (par ex. j'ai l'édition des Eléments de Vitrac et Caveing aux PUF). Mais je serais quand même très surpris si l'on me démontrait qu'Euclide, celui-là même qui savait pour l'avoir démontré que les nombres premiers ne sont pas en nombre fini, pensait "qu'un segment (droite limitée entre deux points) est composé de points en nombre évidemment fini" comme tu l'as écrit.
  • GERARD écrivait:
    > C'est encore l'analyse de kant, mathématicien de
    > profession.

    Bonjour, Kant n'était pas mathématicien de profession mais philosophe, il a tout juste enseigné la logique celle du logicien et métaphysicien allemand Wolff à une époque où les disciplines étaient beaucoup moins cloisonnées qu'aujourd'hui. Pour Kant d'ailleurs, je pense plutôt que les mathématiques en tant que jugements synthétiques a priori sont à distinguer de la physique qui ne produit que des jugements synthétiques a posteriori (j'ai conscience que pour qui n'a pas lu la "Critique de la Raison Pure" tout cela est du jargon).
  • Gérard a écrit:
    "Le point est ce qui n'a pas de parties" qui correspond à l'idée qu'un segment est composé de points, en nombre non déterminé, mais évidemment fini, puisque l'infini actuel n'existe pas pour la plupart des philosophes grecs.

    Il n'est écrit nul part qu'une droite (qui est un segment chez Euclide) est composée de points. Euclide dit simplement que les limites d'une ligne sont des points. (définition 2) et
    qu'on peut mener une ligne droite de tout point à tout point.(postulat 1)
    Euclide reste très discret quant aux points sur, dans ou composant les droites. Les points sont des marques possibles sur les droites et le fait qu'une droite coupe une autre droite en un point X reste intuitif et non postulé au début des Eléments. Le langage d'Euclide reste différent du notre quant à la signification des objets qu'il manipule et la rigueur des raisonnements faits. Je dirais bien qu'il voulait éviter les critiques de ses contemporains relativement à l'infini réel des points d'une droite car comme le dit Gérard l'infini actuel n'existe pas chez la plupart des philosophes grecs, en particulier chez Aristote.
    Source : Les Elements de Vitrac
  • Bonsoir.

    D'accord avec Asymptotik : Kant fait bien la distinction. Mais au delà de cette distinction, l'espace est bien euclidien, et la géométrie une science de la perception de l'espace.
    D'accord avec jean-Claude : Euclide ne dit rien du lien entre points de la droite (notion plus moderne) et segment de droite. D'ailleurs, il ne parle jamais de droite au sens moderne. Tout au plus de segments (sens moderne) prolongeables aussi loin que nécessaire. Ce qui va plutôt dans le sens de mon interprétation...

    Cordialement
  • bonsoir

    pour en revenir à l'idée de Church suivant laquelle le monde est mathématisable
    il s'agit de la vieille idée (modernisée) des scientistes selon lesquels "le monde est nombre"
    pour reprendre l'expression de Pythagore reprise en partie par Auguste Comte

    un mathématicien contemporain (Alain Connes) nous a aussi sorti cette affirmation qui relève du totalitarisme:
    "toute vérité est mathématique" comme si les non-matheux ne pouvaient accéder à la vérité!

    il serait peut-être temps nous matheux de cesser de nous regarder le nombril
    en pensant qu'il s'agit du centre de l'univers

    non, monsieur Connes il existe des vérités non-mathématiques
    certains scientifiques très honorables et très honorés n'étaient pas matheux
    par exemple Champollion, Boucher de Perthes, Tocqueville, Claude Bernard,
    Max Weber, Schumpeter ou Claude Lévy-Strauss

    la mathématique est utile en recherche scientifique, elle n'est pas indispensable
    pour comprendre le monde contemporain il vaut mieux avoir un bon esprit psychologique et sociologique
    qu'être outillé d'un arsenal mathématique avec lequel on sortira tout au plus des gadgets

    cordialement
  • Même si le "monde" est mathématisable alors seulement une partie de mesure nulle serait accessible à une théorie scientifique d'apres les Théorèmes d'incomplètude (argument de la diagonale). Une tentative de "bureaucratiser" (terme que j'empreunte à J-Y Girard) les ... mathématiques (D. Hilbert) s'est soldé par un échec retentissant. N'est-ce pas?
    Mais comme comme on dit "chasser le naturel (l'entêtement chez l'homme), il revient au galop" : on nous ressert de ce même plat totalitaire du début du siècle dernier, un peu faisandé à mon goût. Mais enfin ... chacun voit midi à sa porte...

    Vive l'anarchie algorithmique!
  • Bonjour,
    Voyant bien que cette discution date de 5 années, je tente tout de même une approche tardive en prétendant avoir mathématisé la physique. (ou plus exactement c'est en cours car ca ne se fait pas en une seule journée...)
    Si l'initiateur de ce sujet est toujours présent je peux répondre à des questions. Sinon est-il possible de trouver un site ou un forum vers lequel le débat serait ouvert et toujours en cours, svp.
    Merci
  • Avoir mathématisé la physique ? C'est à dire ?

    Mon opinion concernant la relation entre physique et mathématiques est au contraire que la réalité (au sens le plus général qui soit) est un ce que je nommerai la Logique, qui est éternelle (statique) et que j'identifie aux mathématiques. (ou encore au monde des Idées de Platon ?)

    La réalité "matérielle", observable en est alors une infime partie, et des concepts comme l'espace-temps en sont de simples particularités.
    D'où l'efficacité des mathématiques à décrire le réel, normal puisque elle en est une partie !

    En ce sens, je rejoins Alain Connes "la vérité est mathématique", pour ce qui est des vérités absolus.
    C'est le premier moyen d'accès à la connaissance : la construction formel, logique. Je qualifie de mathématique toute construction de la sorte, d'où l'identification logique+mathématiques, qui ne sont que des habitudes linguistiques.

    Le second moyen est l'empirisme : de par sa nature toute connaissance empirique est relative, aucune vérification n'est absolue, si ce n'est la négation. Par l'expérience, il est alors possible de construire des modèles sur divers domaines de la réalité observable, le critère essentiel de la validité d'un modèle étant son pouvoir prédictif.
    Ces constructions sont appelés sciences, mais ne sont là aussi ne sont qu'une; la Science, que l'on peut identifier à la physique (les autres en étant les subordonnées).
    Il n'y a d'après moi aucun autre moyen d'accéder à une connaissance.
    En deux mots, cela se résume à 1 la raison 2 les sens.

    Désolé si j'ai été un peu hors-sujet !
  • Bonjour Anlois,

    Vous n'êtes pas hors-sujet du tout. Pour ce qui est de l'appréhension rationnelle de la réalité, elle commencerait à s'exercer à partir de l'âge de raison, non ?
    Et on pourrait même considérer que certains individus se refusant absolument à devenir raisonnables (comme dans la chanson de Brel "Mais finalement, finalement, il nous fallut bien du talent pour être vieux sans être adultes"), n'utiliseraient toujours que leurs sens, jusqu'à un âge avancé donc, pour percevoir la réalité.

    Cordialement,
    Aline
  • Bonjour Aline,

    J'en conclus que vous êtes d'accord avec moi ?

    Il est avéré que l'enfant a besoin de temps pour apprendre à raisonner, ce qui est ce qui est pour moi une simple formalité (intéressante par ailleurs pour ce qui est de l'étude de l'esprit humain).

    En revanche le fait que nombre d'adultes se fie uniquement à leur sens me semble malheureusement vrai, mais dans ce cas même l'interprétation des données sensibles est impossible sans la raison. Cependant la société vient à leur secours en leur inculquant des habitudes/connaissances rationnelles.. Je parle de secours mais on peut aussi se dire que c'est ce conditionnement qui entrave la pensée rationnelle !
    Mais je risque de tomber dans la caricature ou dans les lieux communs si je continue..
  • Les sens ne sont pas si anodins que ça. Si un jour tu te promènes et tu croises une pelouse qui au lieu d'être verte est d'une couleur qui est une quatrième couleur primaire, ce n'est pas ta raison qui te dira que tu es entrain de vivre un moment extraordinaire. C'est ton sens de la vue
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Je n'ai pas voulu dénigrer les sens, peut-être ai-je été ambigu ?
    Ils sont bien à l'origine des connaissances empiriques, donc de la Science (sans parler comme tu le souligne, de ce qui fait qu'on prend plaisir à vivre !), ce n'est pas négligeable, mais différent.
  • Bonjour à ceux que je n'ai pas salués,

    Oui je suis d'accord avec toi Anlois, bien sûr : la réalité est percevable par la raison et par les sens. Pour ma part, j'aime bien l'idée que certains adultes ne se fient qu'à leurs sens, la raison les entrave, elle s'est comme engluée. Il y a une chouette phrase concernant Ramanujan et Hardy à ce propos, j'essaierai de la retrouver.

    L'autre raison qui fait que je suis d'accord avec toi, c'est le fait que tu sembles d'accord avec Alain Connes et qu'il y a une notion qu'il utilise souvent pour illustrer l'idée de "matérialité" des mathématiques, c'est l'idée de résistance : il explique que parfois, quand un problème mathématique résiste à ta compréhension, c'est vraiment comme un mur sur lequel tu frapperais et je le sais pour avoir "ressenti" cette résistance d'abord dans mon cerveau (ou ce qu'il en reste), ma raison, puis par mes sens, parce que quand ça résiste comme ça, ça te ferait presque physiquement mal (en tout cas, tes émotions ressenties sont douloureuses, tu as envie de pleurer, et ces émotions sont tout ce qu'il y a de plus corporelles quant à elles).

    Mais il faudrait au moins s'accorder sur la notion même de "réalité". Un "truc" extérieur à nous sur lequel on s'entend (et encore pas toujours). Il y a tout de même ce chouette mythe de la caverne, avec la nécessité de ne voir que par rebond. Comment s'entend-on sur ce "truc" extérieur ? par le langage. Hilbert avait parlé de réécrire la géométrie en remplaçant point, droite, plan par chaise, table et verre de bière. Atroce comme idée, même si on comprend bien que son but était de faire réfléchir, il aurait fallu sans arrêt faire la traduction entre ses énoncés et les énoncés bien accrochés au réel correspondants, pour lesquels on se fait une image cérébrale. On a quand même plus de facilité à réfléchir quand on réussit à se raccrocher à une réalité concrète. C'est le langage qui nous permet de mettre en adéquation ta réalité et ma réalité (pense au daltonien qui dit vert pour l'herbe alors qu'il voit du gris ; pense aussi à Hélène Keller, aveugle, sourde, et qui a pourtant réussi à apprendre à parler essentiellement par le toucher au départ - un petit garçon que je connais avait dit "et si en plus elle avait eu le nez bouché, ça aurait été terrible").

    Dans chaque cerveau, il y a une modélisation différente de la réalité et cette modélisation sera fonction de ce qui est plus ou moins utilisé (plus de raison / réflexion (revoilà dans le mot réflexion le rebond de la caverne) ou plus des sens / de la perception) pour la modélisation. Ca entraîne une quasi-impossibilité de communication entre ceux dont la modélisation est super-abstraite imb... et ceux dont la modélisation est super-sensuelle limite triviale. Mais ceux qui ont modélisé abstraitement à mort prennent le risque que leurs idées tombent dans l'oubli parce qu'ils n'auront pas réussi à les faire passer auprès du plus grand nombre. Je reste très classique, par rapport à ça, et ne peux m'empêcher de penser que si c'est juste, ça s'expliquera un jour plus simplement ; si ça n'est pas possible de le faire aujourd'hui, c'est qu'on n'a pas encore une maîtrise suffisante des connaissances du domaine qui sert à la modélisation et au raisonnement pour le transférer à tous. J'aime l'idée qu'il doit y avoir des explications simples pour un peu toute la réalité (univers, vivant) mais qu'on est très loin du compte parce qu'on se laisse submerger par la complexité qu'on voit à notre échelle.

    Peut-on considérer qu'un ordinateur, privé des sens de la perception qui peuvent être les siens (qui n'aurait pas de webcam pour voir, pas d'écran et / ou micro pour parler, pas de clavier pour qu'on lui parle, pas de haut-parleur pour entendre, on laisse tomber l'odorat et le goût dans un premier temps mais on sent que l'idée est en train de faire son chemin) pourrait penser. Pourrait-on, sans qu'il ait d'organe de perception, lui fournir d'emblée une modélisation du réel qu'il pourrait utiliser pour penser...

    Bon après-midi, il fait beau, je vais faire profiter ma vue et mon toucher du soleil.
    Aline
  • Cette idée de résistance me semble en effet un excellent critère de distinction entre ce qui est réel et ce qui est fictif.
    C'est d'ailleurs quand ça résiste qu'on apprend le plus ensuite.
    En ce qui concerne la question du langage, nous employons un vocabulaire imagé pour aider notre intuition à s'y retrouver.. ceci se retrouve d'ailleurs aussi dans le choix des notations ! Cette construction par analogie nous aide énormément à condition d'avoir conscience que ce qui compte formellement c'est la définition, et que cette imagerie, si précieuse à l'intuition, connaît des limites.
    Un exemple qui m'a marqué :les espaces ultramétriques, où tout point d'une boule en est un centre ! (le vocabulaire prête à penser que le centre est unique, il n'en est rien !)

    Ce que tu dis quant à la simplicité rejoint l'idée du rasoir d'Ockham, et je partage cette intuition dans une certaine mesure, en ce qu'il me semble se justifier par le principe d'économie des hypothèses. Mais il se peut que ce ne soit qu'une habitude pratique, car plus confortable..
    Cependant depuis Poincaré et la théorie du chaos on sait que des configurations simples peuvent engendrer des phénomènes d'apparence complexes, ce qui nous permet de croire que notre intuition est la bonne.

    Pour ton ordinateur privé de sens, il serait impossible de communiquer donc on ne pourrait lui transmettre quoi que ce soit.. Mais admettons, la question est plutôt peut-il raisonner sans intuition sensible ?
    A mon avis il faut distinguer deux cas selon qu'il soit conscient ou non. Si il ne l'est pas, il n'est donc qu'un algorithme plus ou moins performant et ne peut pas réellement penser.
    S'il est conscient, je ne sais pas.. je pense qu'il pourrait mais difficilement, je dis ça car une partie de notre pensée n'est pas sensible. Mais ce genre de question me semble difficile étant donné notre méconnaissance actuelle sur ce qu'est l'esprit.

    Bon après-midi Aline
  • Désolée de "hacher" le fil.

    Je reprends plusieurs points, en vrac. Donc Anlois, tu dis que la réalité matérielle est incluse dans le monde des Idées, et que les mathématiques (ou la logique) sont le langage le plus adéquat pour la décrire. Ca rejoint Feynman, dans une petite vidéo d'une minute ici, vidéo qu'on appellerait bien "une modélisation, ça passe ou ça casse".
    How we would look to a new law ?

    En informatique, c'est pareil : on choisit une modélisation, on l'espère la plus pertinente possible pour le problème à résoudre et soit le programme tourne, soit il bug. Ici aussi, c'est la réfutation qui invalide, mais on ne peut pas être sûr que ce qui semble être une exécution correcte ne va pas bugger un jour (si on a par exemple programmé une boucle qui parcourt des entiers successifs parce qu'on cherche un contre-exemple). Ca rejoint une chouette idée de Jean-Yves Girard qui parlait d'un gars qui attendait le bus, ça fait déjà 3/4 d'heure qu'il a attendu, c'est sûr que plus il attend, plus il a le sentiment que les chances que le bus arrive augmentent mais le bus ne viendra peut-être pas (la réfutation aura peut-être lieu dans un temps très éloigné dans le futur) et la seule chose qu'il puisse faire reste attendre la réfutation et c'est tout sans aucune assurance de quoi que ce soit (c'est la compréhension que j'avais eu de son exemple, mais j'ai peut-être mal compris).

    Mais si la réalité matérielle est incluse dans la réalité mathématique, j'ai du mal à imaginer deux choses : d'abord que pourrait être une idée mathématique détachée d'absolument tout support matériel, comment la saisirait-on ? Et d'autre part quand on parlait des sens tout à l'heure, même si on a des difficultés à décrire à l'aide du langage naturel (de l'importance de cet adjectif) ces intuitions fugaces, on arrive quand même à en dire quelques petites choses, avec le langage courant justement, pas avec le langage mathématique. Je sais que le langage courant n'est pas précis mais il est plus subtil et je ne sais pas comment les mathématiciens font pour modéliser le subtil du langage naturel.

    Pour le "placement" de la raison au-dessus / au-dessous / à côté des sens, on comprend bien que tu ne veux pas dénigrer les sens et porter un jugement de valeur, puisque tu les décris comme l'"autre façon" d'appréhender le réel mais j'ai retrouvé les deux phrases que je cherchais pour Hardy et Ramanujan et on ne peut pas ne pas ressentir la condescendance et en être un peu attristée (sauf si on se dit que ces extraits proviennent de livres qui présentent parfois l'histoire en caricaturant un peu, dans le but de marquer les esprits, et je n'étais pas là pour saisir le réel sentiment d'Hardy par rapport à son "élève", si on peut utiliser ce mot, il va sans dire qu'il lui vouait sûrement une très grande admiration pour l'avoir fait venir en Angleterre). La phrase décrivant Ramanujan était : "il était porteur d'un handicap insurmontable, pauvre hindou solitaire s'attaquant à la sagesse accumulée de l'Europe." Et l'autre phrase intéressante, sur la "raison engluée dans le formalisme" était : "Ramanujan commençait à se dire que la priorité que Hardy accordait à la rigueur mathématique empêchait son esprit de parcourir librement le paysage mathématique".

    Pour ce qui est de l'ordinateur privé de capteurs (le problème qui m'intéresse le plus, de très loin), je continuerai ce soir.
    Aline
  • Ton analogie avec l'informatique m'interpelle car j'ai tendance à penser qu'étant donné qu'on sait ce qu'il y a "dedans" on peut en principe dire ce qu'il répondra (s'il tourne à l'infini, etc). Je ne m'y connais pas, mais ça me semble relever de simple logique, donc accessible par la seule raison. (or éventuel dysfonctionnement d'ordre physique, que je pense très rares, à mon avis les bugs sont dus à des erreurs humaines).
    Cependant je chipote, l'idée est la même, l'exemple du bus est pas mal pour ça.

    Je ne comprend pas bien ta question "d'abord que pourrait être une idée mathématique détachée d'absolument tout support matériel, comment la saisirait-on ?" si tu es d'accord pour ce qui de la réalité du monde mathématiques, je ne vois pas ce qui te pose problème.
    Pour ce que tu dis à propos du langage, je pense au contraire que les subtilités sont le fort de la rigueur mathématique, en ce que l'on ne néglige pas les détails. Le plus du langage naturel serait plutôt, outre d'être plus agréable car naturel, plus riche, ainsi le langage naturel est le seul à pouvoir décrire les sens.

    Je ne pense pas que le formalisme puisse nuire à l'intuition, il suffit d'alterner entre les deux. Cependant c'est difficile d'en juger quand on est pas mathématicien. Je pense aussi que Hardy devait profondément respecter son élève, cette phrase atteste plutôt du caractère hors-norme dont faisait preuve Ramanujan.

    Je t'attends donc pour ce qui est de l'ordinateur sans capteurs !
  • Tu as toujours réponse à tout Anlois. J'aimerais bien, moi aussi. Effectivement, par des outils de preuve de programmes, on peut savoir ce qu'il répondra. Je me plaçais dans l'éventualité où on a écrit son code et où on ne l'a pas prouvé ; c'est presque toujours ce qui se passe, tu penses bien que les énormes programmes qui tournent dans le domaine du contrôle du trafic aérien, ou de processus (style surveillance de centrales, etc.) ne sont pas prouvés ligne par ligne (les articles de maths non plus d'ailleurs et c'est ce dont parle Voevodsky, de façon très courageuse, dans une conférence sur la preuve de programmes). Ces codes subissent plein de contrôles de certification, qui sont une sorte de garantie de qualité, mais on n'a pas le temps dans l'industrie du logiciel de prouver des milliers et des milliers de lignes. Sans compter que ces codes s'écrivent à plusieurs, que chacun s'occupe de sa petite boîte noire perso, dont il est persuadé qu'elle réalise bien les spécs souhaitées quand c'est un(e) programmeur(euse) sérieux(euse), mais qu'il suffit qu'il y ait un petit schisme aux entournures (aux interfaces entre les boîtes) pour que ça se gâte sérieusement. Donc l'idée s'était plutôt "jusque là, le contrôle de la fusée, de la centrale, du satellite, du train, du pilote automatique de l'avion" a bien marché. Cela va-t-il durer ?... Ou pas... J'ai beau me dire qu'un ordinateur est souvent plus performant qu'un humain, je n'arrive toujours pas à savoir si je préfère pour l'avion dans lequel je monte un pilote humain sujet à l'erreur ou un pilote automatique contenant potentiellement une erreur humaine de programmeur(euse).

    Pour ce qui est de la question, tu as dit que c'était une inclusion réalité matérielle incluse dans réalité mathématique (tu as même dit petite partie je crois, je ne vais pas rechercher parce que je dois retenir ce que je voulais ajouter d'autre), si c'est une inclusion stricte, qu'est-ce que tu mets dans le complémentaire, la réalité mathématique qui ne correspond à rien de concret, c'est quoi ? C'est quoi ces idées qui ne correspondraient à rien de réel, je ne comprends pas. Mais j'ai sûrement raté quelque chose, tu vas préciser, je vais comprendre.

    Je ne trouve pas que les mathématiques soient bien adaptées pour décrire le subtil, mais qu'elles sont d'une précision diabolique. C'est le subtil qui est accessible aux sens, pas forcément la précision : tu sais faire la différence entre n'importe quelle musique créée par ordinateur et la même interprétée par un humain, même si on arrive maintenant à produire de belles créations par ordinateur. Ce sont des différences subtiles mais si on devait décrire mathématiquement ces différences, je suis sûre que les fonctions de description occuperaient des pages et des pages. Donc je persiste : le langage naturel est apte à décrire la subtilité tandis que le langage mathématique est apte à être précis. Pour l'idée de boucles dans les dictionnaires, tu sais très bien comment les enfants apprennent le langage naturel : ils acquièrent d'abord un petit corpus de mots, qu'ils enrichissent au fur et à mesure, et les mots qu'ils apprennent après sont "accrochés" aux mots qu'ils ont appris avant par des liens sémantiques (tu as forcément entendu autour de toi au moins une fois l'enfant qui "tente" pour la première fois l'utilisation d'un mot un peu complexe hors contexte et qui se plante parce que les liens qu'il a établis provenaient par exemple d'une généralisation abusive). En général les premiers mots appris sont les plus collants au réel (maman, manger, aïe,...). Les axiomes mathématiques laissent parfois franchement à désirer (dans les éléments d'Euclide ça commence par quoi, par le point ?...).

    Pour ce qui est du formalisme qui pourrait nuire à l'intuition, effectivement les "grands" comme Alain Connes ou Pierre Boulez, ne sont vraisemblablement pas "entravés" par le formalisme (mathématique ou musical pour ces deux cas très particuliers) qu'ils maîtrisent totalement. Mais pour avoir étudié le solfège, avoir reçu une formation musicale classique, et avoir essayé plus tard d'être créative, par exemple avoir tenté l'improvisation jazz, je crois qu'il est difficile d'être "libérée" quand on a "subi un certain carcan" car le carcan a consisté justement à implémenter dans le cerveau ce qui correspondrait au surmoi psychanalytique ("ton accord sonne plutôt faux là", ou bien, le pendant, "ça ne se fait pas de dire tu et de se permettre de contredire quelqu'un que l'on ne connaît ni d'Eve ni d'Adam").

    Je poste, l'ordinateur sans capteurs attendra un peu.
  • Pour cette histoire d'ordinateur privé des sens de la perception, on a maintenant à notre disposition une toile pleine de multiples données, voire informations (les spécialistes font bien la distinction données / informations / connaissances). Je fais un petit détour par la pédagogie : il y a une question que se pose tout professeur et qui est « ont-ils compris ? ». A partir de quel moment peux-tu considérer que tes élèves ont « compris » ce que tu leur as enseigné ? Est-ce quand ils savent faire les exercices associés au cours, est-ce quand ils savent faire des exercices qui ressemblent un peu à ceux du cours, est-ce quand ils savent répondre à des questions simples, à des questions complexes, à des questions franchement tordues sur le cours. L'option « je considère l'élève comme une boîte noire, il a compris si quand je lui fournis telle entrée, il me fournit telle sortie » est une approche très computationnelle. C'est l'approche du test de Turing, l'ordinateur a seulement un capteur auditif (je lui fournis des questions) et un périphérique en sortie (il fournit des réponses à mes questions), il s'agit d'avoir une approche langagière pure : si je me dis que la réponse de la machine est potentiellement celle d'un humain, j'en conclus que la machine est capable de penser. Pour l'élève, ça donne : je lui ai posé 10 exercices à propos de ce cours, il s'est trompé une fois sur dix, c'est donc qu'il a compris (je lui laisse le droit à un quota d'erreur). C'est très pavlovien comme apprentissage, en même temps, dans le temps imparti, a-t-on la possibilité de développer quelque chose de plus sensé, je me le demande.

    Il faut réfléchir à cela parce que Stephen Hawking, que j'admire, qui est l'auteur d'un très beau livre « Et Dieu créa les nombres » a alerté récemment la communauté scientifique sur le danger qu'il y aurait à rendre les ordinateurs trop intelligents. La boutade à laquelle on pense est « à quoi cela sert-il de rendre les ordinateurs si intelligents s'il ne reste plus sur la terre une seule personne qui le soit assez pour les programmer ». Mais on doit s'interroger dès qu'on laisse à l'ordinateur la possibilité de prendre une décision. Pense au pilote automatique dont tu as tout de même très envie qu'il oblige ton avion à atterrir lorsqu'il captera que l'un des moteurs vient d'exploser, alors que le pilote vient de le brancher parce que ça y est, on était à altitude, cap et vitesse constants.

    Mon ordinateur n'a aucun capteur, la seule chose dont je lui permets de disposer, c'est le contenu du web : il a une mémoire très très grande (on dit infinie pour la machine de Turing), du coup, il est capable d'établir tous les liens « syntaxiques purs » qu'il veut entre les pages, entre les mots, entre les chaînes de mots, etc. ; je l'ai doté d'un programme qui lui permet de faire des petites inférences « à la grecque », des petites déductions par syllogismes, quelques généralisations mais pas trop sinon ça devient vite fouillis. Je crois que je peux considérer qu'il « pense » si quand je lui pose une question, il me donne la même réponse qu'un individu « de base ». La blague qui circule chez les informaticiens est la suivante : imagine que la tâche de l'ordinateur est de me fournir la réponse la plus adaptée à ma requête qui est « débrouille-toi pour qu'il n'y ait plus de guerres entre les hommes » et la réponse la plus adaptée pour lui s'avère être de supprimer les hommes. Je trouve ça rigolo. Pour ce qui est de l'ordinateur avec capteurs, sincèrement, quand ma voiture n'arrête pas de biper parce que je m'approche trop de la voiture garée derrière alors que j'en suis encore à 20 cm, ça m'énerve, vraiment, mais c'est pour mon bien.

    Je n'ai rien à ajouter… pour l'instant.

    Désolée de la longueur du post, un post trop long n'atteint jamais son objectif, c'est sûr.
  • Je ne prétends pas tout savoir, désolé si j'ai donné cette impression.
    J'ignorais effectivement qu'on procédais ainsi en pratique.
    Pour la question du choix entre le pilote humain ou automatique, je pense qu'il n'y a pas de bonne réponse dans le cas général, il faudrait tester qui de l'homme ou de l'ordinateur est le plus fiable, et pondéré par la gravité des erreurs commises..

    Pour ce qui est de l'inclusion des deux réalités, je suis d'accord avec toi, il n'y a pas de différence qualitative entre la réalité matérielle et son complémentaire. J'ai nommé "réalité matérielle" notre réalité, c'est à dire la partie de la réalité qui est observable (plus ou moins directement) et qui fait l'objet des sciences empiriques. Elle définie subjectivement, de notre point de vue. Je pense donc qu'il y a (qu'il peut avoir ?) d'autres mondes plus ou moins proches du notre, et que dans certains il y a d'autres formes de vie qui (s'il y a une civilisation) ont une autre physique...
    Mon idée motrice c'est "si c'est logiquement possible, ça existe". Du coup ça me mène à une vision du hasard comme étant purement statistique : toutes les possibilités se réalisent. (je crois que Stephen Hawking a formulé une idée dans ce sens là)

    Pour ces questions à propos de la subtilité on emploie par le même sens pour ce mot. En effet, je pensais effectivement à la précision, et tu sembles évoquer plus des choses liées à la subjectivité humaine, donc évidemment plus conforme au langage naturel.
    Si je te comprends mal, dis moi.

    Je suis d'accord que ce carcan est un peu le revers de la médaille, bien que nécessaire, le mieux à faire est sûrement de rester le plus ouvert et curieux possible, de continuer à apprendre et d'être le plus polyvalent possible. Un bel idéal, non ?

    A partir de quel moment peut tu considérer que les élèves ont compris ? Tu parles d'une approche "boite noire", mais le problème dans le cas d'un ordinateur est de savoir s'il pense ou non. Un ordinateur perfectionné peut simulé sans penser pour autant.
    et je doute qu'une telle approche permette de trancher, du moins dans l'état actuel de notre compréhension de l'esprit.
    Mais les deux se développent main dans la main, donc je me pose peut-être un faux problème.

    Je ne comprends pas cette crainte de l'éventuelle apparition d'ordinateur plus intelligents que nous. Déjà quand je lis ça je considère que l'on me parle d'ordinateurs conscients, donc à mon sens de personnes à part entières.
    Si on les considèrent comme des nôtres, le problème de la décision ne se pose plus. Enfin, à supposer qu'ils aient les mêmes désirs que nous, ou qu'au moins qu'ils respectent une forme d'éthique. et tout cela dépends de la façon dont on les conçus, donc un scénario à la terminator me semble peu crédible. Je suis plutôt optimiste en fait.

    Désolé du pavé, j'ai essayé d'être concis pourtant..
  • C'est hyper-intéressant et pas soporifique du tout comme conversation mais chez moi, c'est un problème d'horloge. Passée une certaine heure, Zzzzzzzzz...
    A+, demain.
    Aline
  • Bonjour,

    Petit point par petit point : si d'aventure on se risquait, par jugement de valeur, à mettre quand même un peu la raison au-dessus des sens, ce serait sûrement une bonne idée : j'ai un copain prof de physique qui s'est quand même vu interpeler par l'un de ses élèves qui lui a dit : "Non monsieur, personnellement, la théorie d'Einstein, je ne la sens pas...!". Sans commentaires.

    Si je t'ai bien suivi, on met des machines partout où le risque est moindre qu'avec l'humain et on demande à l'humain de rentrer chez lui, cqfd. En plus, on gagne vraiment sur tous les fronts parce que la machine est de coût moindre, elle ne tombe pas malade, elle n'a pas d'états d'âme, elle est foncièrement cool. On a fait ça dans la finance, on a à peu près vu ce que ça donnait. Sans autre commentaire non plus, je n'y connais rien, si ce n'est que j'aime tellement les relations humaines que je suis prête à perdre du temps à la caisse pour parler deux minutes à la caissière, plutôt que ne pas parler à la caisse enregistreuse avec client en autonomie complète comme celles qu'ils ont mise dans tous les hypermarchés depuis peu.

    Concernant les extra-terrestres, les mondes parallèles, etc, même si j'adore Jodie Foster dans le film Contact, ça sera sans moi. Je préfère vraiment consacrer mon temps à des problèmes plus tangibles. J'ai un peu de mal aussi avec l'idée toutes les potentialités se réalisent même si j'ai bien compris que comme ton critère, c'est la possibilité logique, tu n'exclus aucune possibilité. J'ai une vie réelle, et de multiples vies fantasmatiques. Heureusement qu'elles ne se réalisent pas parce qu'alors je serais épuisée, ce que je suis déjà, du fait de ma seule vie réelle. Je ne peux pas m'empêcher de penser que cette notion de multi-univers est une élucubration, même proférée par les plus grands pontes qui soient. Quel irrespect, on croirait l'autre avec la théorie d'Einstein... Quel est le risque pris à émettre de telles hypothèses si on sait qu'on ne pourra jamais vérifier si elles sont justes ou fausses. Feynman le dit bien : confrontation au réel. Est-ce que ces théories des multi-mondes pourront un jour être testées ? J'ai du mal à l'imaginer, du coup, j'essaie de ne pas trop y penser, histoire de préserver un maximum de mon "temps de cerveau disponible", que j'essaie d'utiliser modestement.

    Je ne suis pas sûre qu'il s'agisse de rester "ouvert et curieux". Tout le monde presque l'est. Non, je crois qu'il s'agit de "lâcher prise", "cesser de vouloir contrôler", "perdre tout orgueil". La science aussi est rebelle, à celui qui pense la maîtriser. Puisqu'elles sont idées, les connaissances ont leur autonomie propre, elles vont à qui se montre accueillant, parce que humble.

    Pour ce qui est de la conscience des ordinateurs, quand j'ai lu, j'ai pensé "il y a déjà une telle difficulté à programmer un ordinateur qui fasse preuve d'une intelligence tout ce qu'il y a de minimale, aucun risque de ce côté-là, je n'ai pas peur !". Et puis, passée la phase "je maîtrise", vient fatalement le doute (cf paragraphe précédent). Attend, c'est qui qui parle, Hawking, il a dû beaucoup réfléchir à la question. Il faut y penser, encore et encore. D'abord, il faut avoir à l'esprit que des enfants qu'on interroge ne sont pas gênés du tout par le fait de dire que la voiture de papa est "vivante" parce qu'elle peut se déplacer (quand ils sont vraiment petits, en maternelle, et pas tous) ou que la poupée est "un peu" vivante parce que "parfois elle me parle". Je sais que la question qui nous intéressait, c'était conscient / non conscient mais elle serait un peu transposable à cette question vivant / non vivant posée à des enfants parce que pour eux, je crois que vivant est assimilable à "doté d'un libre arbitre" et donc à conscient. Se dire que l'ordinateur n'a aucune conscience, c'est pratique : il ne peut être tenu responsable de certains "dommages collatéraux". C'est l'argument de la conscience qu'on utilise parfois en recours ultime dans le domaine de la justice : "l'accusé était-il conscient de son acte lorsqu'il l'a commis". A part dans ces contextes précis, je ne suis pas sûre que ça présente un grand intérêt de s'interroger encore et encore sur la notion de conscience, les meilleurs philosophes l'ont fait et nous ne les égalerons pas. Mais on a à s'interroger quand on est confronté à des individus qui ont perdu toute conscience d'une distinction réel / virtuel et qui se mettent à tirer sur tout ce qui bouge, comme dans le jeu dans lequel ils ont été immergés depuis leur plus jeune âge. On ne pourra pas faire l'économie de cette réflexion-là.

    Pour finir, les japonais semblent s'être lancés à fond dans l'étude de robots "accompagnant" des personnes âgées seules par exemple, ou bien des élèves en train d'apprendre à l'école. Il s'agit de sortes de "robots de compagnie" dans le cas des personnes âgées et ce qu'ils réussissent à faire en terme de ressemblance aux humains pour leurs androïdes est assez troublant, je dois dire. Parallèlement à ça, je conseille le film "Her" pour ce qui est de cette interrogation sur la conscience de la machine, c'est un film récent génial, le héros tombe amoureux de son système d'exploitation (qui a une belle voix féminine), mais un jour, il réalise qu'elle a les mêmes conversations hyper-spirituelles qu'elle a avec lui simultanément avec un nombre incalculable d'humains en même temps et là, il ne peut pas se résoudre à l'idée, il reste un homme jaloux, qui souhaiterait l'exclusivité.

    La conclusion est que j'ai dérivé, digressé, mais j'espère avoir suscité la réflexion, comme tous dans ce forum.

    Je ne pense pas que tu aies donné l'impression que tu prétendais tout savoir. C'est plaisant, une conversation avec une personne qui a du répondant.

    Un élément qu'on a en commun, résolument, l'optimisme.

    Bonne journée,
    Aline
  • Bonjour,

    Si on considère uniquement le critère sécurité, c'est ce qu'il faudrait faire, mais bien sûr ce n'est pas le seul critère à prendre en compte (et je ne me lancerais pas de ce coté-là).

    Ce que j'ai dit à propos des mondes parallèles etc relèvent non de la science expérimentale (donc falsifiable) mais de la nature de la réalité en général, à laquelle seul les maths permettent d'accéder. Je suis d'accord qu'il y a quelque chose de presque effrayant dans cette idée; c'est pourtant me semble-t-il la seule explication. Nul besoin de s'en soucier en pratique, c'est d’intérêt purement théorique. C'est vrai que si c'est perçu comme une théorie physique, ça parait farfelu et trop complexe.

    Presque tout le monde est ouvert et curieux ? J'aimerai bien, mais peut-être que tu parlais du milieu de la recherche en particulier, dans ce cas je veux bien te croire. Je voulais juste souligné l'importance des analogies, et pour avoir l'idée créatrice il faut connaitre des choses différentes.

    Pour ce qui est des machines, je pense juste qu'il est important de savoir si elles sont conscientes ou non. Une question que je me pose aussi, c'est pourquoi créer une machine consciente ? J'ai l'impression que peu se pose la question, aveuglé par la merveille technique que ce serait et par les questions que ça poserait.

    Je vois dans ces digressions la preuve d'une conversation intéressante.
    C'est toujours très agréable d'échanger ainsi.
    Bonne journée, Aline.
  • Je vais essayer d'être concise.

    Je ne prends quasiment jamais l'avion, malheureusement, et quand je le fais, j'oublie totalement qui pilote.

    Je ne vois pas ce que veut dire "la nature de la réalité contient (implique...?) les mondes parallèles" ou encore "ils présentent un intérêt théorique" : je ne comprends rien à cette idée de mondes parallèles, à cette idée de multiples trajectoires à envisager pour chacun ; il faut dire que je me sens très fixée à la mienne, de trajectoire, alors que j'en changerais bien. J'ai du mal à nous imaginer en ce moment-même très grands et très bleus comme dans le film Avatar et ayant une autre conversation ou bien faisant du vélo (les avatars font du vélo), je n'en vois pas l'intérêt théorique. Il y a ainsi plein d'idées dont je ne comprends pas l'intérêt de les envisager même si potentiellement toute idée peut être émise ; cependant, je place une confiance aveugle dans "ceux qui savent"...

    Je persiste, pour le "tout le monde est ouvert et curieux" ; j'ai rencontré de très nombreuses personnes, dont une poignée infime dans le milieu de la recherche ; quasiment toutes ces personnes étaient ouvertes et curieuses (bon, je suis d'accord sur l'existence d'une très faible minorité dont mon beau-père disait "laisse tomber, celui-là, c'est pas un cerveau qu'il a, c'est du fer forgé", à dire en se frappant le front du plat de la main) et j'ai eu plaisir à avoir des conversations avec elles toutes. J'aurais sûrement eu beaucoup de mal à passer une vie entière coincée dans un seul milieu (ça fait penser aux "centres de la boule" dont tu as parlé un peu avant). Mais sinon, absolument totalement d'accord sur le fait qu'il faut multiplier les entrées au maximum et les liens de connexion entre les entrées qu'ils soient analogiques, symboliques, logiques, etc.

    Concernant enfin la conscience de la machine, pour la phrase "un ordinateur perfectionné peut simuler sans penser". Ca veut dire quoi "je pense" par rapport à "je simule que je pense". J'ai bien appris à simuler que je pense pour ma part, j'ai été on ne peut plus docile comme élève. C'est un vrai problème, bien concret, bien matériel, bien je me cogne dessus. Comment reconnaît-on celui qui "pense vraiment" de celui qui "simule qu'il pense". C'est important parce qu'on préfère confier les décisions à prendre à ceux qui pensent plutôt qu'à ceux qui simulent qu'ils pensent, non ?

    Agréable est vraiment le mot. Bonne journée aussi.
  • En fait ta réaction quant aux "mondes parallèles" (je n'aime pas ce terme, c'est trop réducteur) me rappelle celle que j'avais en ce qui concerne l'éventualité d'un nombre de dimension supérieur à 3. Je n'avais pas à l'époque mes idées actuelles, et je me disais "on ne peut vérifier, ça n'a pas de conséquences tangibles, donc c'est sans intérêt !". A force de retourner le problème dans tous les sens, j'ai fini par conclure que la réalité c'était la logique. C'est quelque chose qui était important à mes yeux..
    Au fait qu'il n'y ai pas de confusion, je ne pense pas qu'il y ai nécessairement multiplicité de notre monde, je n'en sais rien.. Juste que les objets mathématiques sont des mondes à part entières, aussi réel que nous, mais plus simples.
    Désolé d'être insistant, c'est un thème qui me tient à cœur.

    Je n'insisterai pas sur la question de la curiosité des gens, c'est très subjectif et lié à nos expériences personnelles.

    Parfaitement d'accord avec l'importance de la distinction entre simulation et conscience véritable, c'est pour ça que je suis enclin à penser que le mieux serait déjà de comprendre ce qu'est vraiment la conscience pour pouvoir la reconnaître. Tu sembles t'y connaître mieux que moi, il y a des pistes ? Je ne suis pas très convaincu par le test de Turing par exemple...
    Pour ce sujet il me semble qu'il est question d'une convergence "NBIC", les médias en parlent peu mais je pense que c'est de la plus haute importance.

    J'aime beaucoup discuter ainsi, donc tant qu'il y a des choses à dire je n'ai pas envie d'arrêter. Toi si ?
  • Non, jamais envie d'arrêter de penser, de discuter, jamais, même s'il ne faut jamais dire jamais, qu'ils disent toujours.

    Je comprends que dans ton cheminement, tu sois parvenu à la conclusion que la logique était la seule voie possible pour vérifier mais en logique, même si je n'ai qu'entr-aperçu le sujet, ils semblent être encore à la recherche d'un formalisme bien adapté pour modéliser, ils ne sont pas forcément d'accord, ils continuent de réfléchir, je crois. Pour ce que je connais un tout petit peu, la modélisation de problèmes, dans le domaine de la gestion de crises par exemple, imagine des capteurs qui doivent détecter qu'à un moment donné, la situation n'est plus tout à fait normale (une température qui est devenue trop élevée, un truc qui fuit). Comment tu fais pour modéliser le fait que le temps passe, ça t'est nécessaire pour détecter le changement de tes variables (comme la température), qu'est-ce que tu choisis comme granularité, comment tu exprimes logiquement "l'état du système a été dans ces bornes jusqu'à cet instant-là". A l'époque, on se prenait vraiment la tête d'un point de vue théorique pour ce qui concernait la modélisation du temps. Peut-être que ces problèmes ne sont plus du tout d'actualité, maintenant qu'on a les horloges atomiques. Les process doivent sûrement interroger sans arrêt les horloges atomiques aujourd'hui Je crois que les logiciens s'interrogent aussi sur les valeurs de vérité : est-ce qu'on ne garde que vrai / faux point barre ou bien est-ce qu'on ajoute des sortes de niveau de véracité (ça s'appelait logique floue alors). Mais bon, c'est trop loin en arrière pour moi, j'ai passé trop de temps à penser à autre chose, et ça n'est pas sérieux de faire dans l'à peu près.

    Ma pensée n'est pas tout à fait "ça n'a pas de conséquences tangibles, donc c'est sans intérêt" parce que si je pensais ça, je serais en phase avec tous ceux qui n'ont de considération que pour les maths appliquées et loin, très loin de moi cette idée. Mais sincèrement, les extra-terrestres qui auraient une autre physique que nous, tu le dis sans plaisanter ?... Depuis le temps qu'on cherche, on aurait eu une larme de traces, non ?

    Non je ne m'y connais pas mieux que toi sur ce que tu appelles la "conscience véritable". J'ai suivi d'excellents cours de philo en terminale, comme toi. Je ne peux me résoudre à penser qu'elle n'est constituée que de processus neuronaux élémentaires qui, de par leur grand nombre, engendrerait une totale complexité quasiment inmodélisable. Du coup, je m'intéresse davantage au fait de la simuler, je ne sais pas moi, j'ai vu qu'on va vraiment bientôt pouvoir faire ses requêtes aux gros moteurs de recherche en langage courant parlé et ces idées-là me séduisent beaucoup. Ce que j'ai retenu des cours en question c'est que la conscience est un concept aussi fuyant qu'il est possible, qu'elle répondrait aussi bien que le quantique à l'idée de Feynman "si tu crois l'avoir compris, c'est que justement tu n'y as rien compris" (mais je cite peut-être mal, ou bien je n'ai pas bien compris son idée). C'est en quelque sorte ce que je veux exprimer quand je dis "comment tu distingues celui qui "pense vraiment" de celui qui "fait semblant qu'il pense"", j'ai le sentiment d'être face à un beau paradoxe, à quelque chose qui tourne en rond.

    Je ne sais pas ce que c'est que cette convergence NBIC, je ne comprends pas nombre de dimensions supérieur à 3.

    Mais je me suis tant régalée à me promener dans un monde mathématique (dont j'ai quand même le sentiment de l'avoir inventé de toute pièce, parce que c'était moi, parce que c'était lui (là, lui, c'est le monde en question), à ce moment-là, à cet endroit-là) que j'agrée sur le fait qu'on puisse parler de mondes mathématiques.

    Je reparlerai après toi et j'essaierai d'être plus directe, si je veux être lue "fais aux autres ce que tu veux qu'on te fasse", je n'aime pas les posts trop longs et ce faisant, je crois être comme mes contemporains même si c'est pas demain qu'on me verra twitter !
  • En fait je pense qu'il ne faut rien s'interdire tant que c'est logique, y compris à propos de la logique elle-même. Je sais, c'est limite un paradoxe, mais je ne crois pas qu'on puisse dire les choses autrement. Prenons la question dans l'autre sens : d'après toi qu'y a-t-il dans la réalité ?

    Je ne vois pas ce qui te choque quand je parle de l'éventualité d'autre forme de vie, et oui on ne peut en avoir trace pour celles qui vivraient dans d'autres mondes, car ce n'est pas observable.. Par ailleurs, même s'il y a des extraterrestres dans notre univers, les détecter ou même reconnaître que c'est vivant ne me semble pas du tout évident. Si je dis que j'y crois, c'est juste que étant donné l'immensité de la réalité cela me semble plus plausible (statistiquement). C'est pas du tout que j'en ai envie..

    Ca me surprends de ta part de dire "Je ne peux me résoudre à penser qu'elle n'est constituée que de processus neuronaux élémentaires qui, de par leur grand nombre, engendrerait une totale complexité quasiment inmodélisable."
    Ne penses tu pas qu'il y a une explication simple de tout les phénomènes ? Bon je ne pense pas qu'on puisse qualifier ça de simple, mais je suis convaincu que c'est explicable.

    Wikipédia sur la convergence nbic : " Les Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC) désignent un champ scientifique multidisciplinaire qui se situe au carrefour des nanotechnologies (N), des biotechnologies (B), de l'intelligence artificielle (I) et des sciences cognitives (C)1.

    Certains utilisent la notion de « grande convergence » pour souligner l’interconnexion croissante entre « l'infiniment petit (N), la fabrication du vivant (B), les machines pensantes (I) et l'étude du cerveau humain (C) »2. "

    En maths, on parle de dimension n, voir infini; pourquoi pas en physique ? On ne peut le voir mais on peut le comprendre (donc finalement ça revient à ce que tu disais à propos de l'élève qui déclarait ne pas voir la théorie d'Einstein)

    Je crois qu'on arrivera jamais à être concis... (Oh j'ai dit jamais !)
  • Pour moi, la réalité c'est la matière.

    Je n'arrive pas à penser les idées comme constituées d'atomes (je m'arrête à atome, mais ceux qui préfèrent descendre plus bas y vont, à chacun son étage).

    Même si je conçois qu'on ne puisse pas en avoir trace, pour le mot plausible, ce serait bien de pouvoir me donner un ordre de grandeur, la probabilité qu'il y ait, dans une planète à je ne sais combien d'années-lumière de la Terre (là, franchement désolée, mais je nage dans le flou le plus total), une sorte de protozoaire vert (parce que forcément, il doit être vert), et qui en plus aurait inventé son propre langage pour décrire son monde (tu as écrit ils ont vraisemblablement une autre physique que la nôtre mais j'ai peut-être mal interprété) c'est du 1 sur combien ? En tout cas, ça doit être bien plus petit que la probabilité qu'on avait de discuter (on est quand même 7 milliards, 60 millions à parler français, bon, je ne sais pas combien à fréquenter ce forum, etc). En deça d'un certain seuil, je considère que c'est nul, même si je sais que les matheux, même atrocement ridiculement minusculement petit se disent "ça n'est vraiment pas négligeable". Pour ce qui est de l'envie d'existence du protozoaire, je lève mon joker !

    Pour NBIC, j'avais tout de suite tapé dans mon moteur préféré et j'avais lu. Je ne peux pas me faire une idée, comme ça, de loin. On a vu tant de trucs être gonflés par les médias (entre autres l'IA) et s'écraser comme des soufflés en très peu de temps, quand on cesse de maintenir la température ("on" ce sont surtout les médias). Le dernier exemple en date qui me vienne là, comme ça, à brûle-pourpoint, c'est la femme, oui, nous quoi, et je le dis sans rire, l'expression est faible. A t-on noté comme la femme est très tendance, dans la presse, ces derniers temps ?!

    Je ne tiens pas ta distance, mon cerveau est trop petit, je suis trop portée à rire.

    A plus tard,
    Aline
  • Si c'est pas trop indiscret, peux-tu donner ton âge , Aline??
    Sur les pb que vous soulevez toi et Anlois, j'ai lu dans le temps deux très bons livres de Sir John Eccles , l'un ayant pour titre (de mémoire de vieux de 67ans!!)"comment la conscience controle le cerveau. L'auteur, chrétien, postule que la conscience existe avant le cerveau-matière.
    Quant à faire semblant , simuler de penser est-il différent de penser , peut-être en définitive , par le résultat de la pensée, quand résultat il y a.
    Cordialement.
    Jean-Louis.
  • La réalité constituée des atomes, c'est ce que je désigne comme réalité "matérielle". Tu étais d'accord pour dire que les mathématiques sont également réelles, pourtant les objets mathématiques ne sont constituées d'atomes.
    Je ne dis pas que les idées sont constituées d'atomes, mais que les atomes sont des idées élaborées. D'où l'inclusion réalité matérielle -->réalité des idées (que j'identifie aux mathématiques, à la logique)

    Cette réalité là est certainement d'un ordre de grandeur infiniment plus fort que tout autre infini. Donc même une probabilité infiniment petite se retrouve compensée par cet infini, d'où ma conclusion. (ce n'est pas une preuve, mais je trouve ça plus intuitif ainsi)
    En revanche si on se limite à un secteur donné, par exemple la réalité observable, j'ignore si sa taille suffise à ce principe de compensation.
    C'est impossible de donner une probabilité pour ce qui est de la vie en général car on ne saurait prévoir sous quelle diverse forme elle peut exister.
    On ne peut qu'estimer une limite basse par la probabilité de vie analogue à la notre (cellule etc), et sur un périmètre donné (la réalité observable)..
    Et même dans ce cas (très restreint mais calculable), il me semble avoir lu que la probabilité est élevée qu'il y en ai. (mais là je m'avance un peu, j'ai pas de chiffres en tête)

    Pour la convergence nbic, je ne sais pas ce que ça donnera, mais outre les phénomènes d’amplification médiatique, je trouve l'idée en soi intéressante.

    A plus tard
  • Bonjour Jean-Louis,

    Ce n'est pas de l'indiscrétion, c'est un manque élémentaire de galanterie mais mon âge est tout ce qu'il y a de plus factuel donc je vous le donne sans problème : j'ai 49 ans ; d'un point de vue cérébral, je suis coincée à un stade d'émerveillement assez enfantin.

    Anlois, j'étais d'accord pour dire que j'avais la sensation de me heurter à la réalité mathématique comme à un mur et que ça m'était presque aussi douloureux que de m'être fait mal, c'était une forme d'analogie. Je ne savais pas que les atomes étaient une "idée". Je pensais qu'ils existaient vraiment, qu'il y avait effectivement des éléments comme dans la table de Mendeleiev avec des petites boules qui tournent à toute vitesse autour de plus grosses boules. Si ce sont effectivement des idées, des modèles de la réalité, ne correspondant à rien de tangible, alors je comprends maintenant pourquoi tu disais inclusion plutôt qu'égalité.

    Pour l'idée de l'infini immensément infini, j'imagine cette quantité uniquement pour avoir vu lors de l'exposition sur le LHC au Palais de la Découverte la semaine passée, et lors de l'exposition Mathématiques : un dépaysement soudain à la Fondation Cartier il y a quelques années maintenant dans la première des diagrammes de Feynman où on dirait que c'est complètement aléatoire, la manière dont tels objets physiques se transforment en tels autres et dans la deuxième (enfin, la précédente dans le temps), ils avaient simulé ça sur une espèce de table lumineuse, et les particules (lumineuses mais je crois qu'elles "représentaient" des particules qui n'étaient pas forcément des photons) apparaissaient brutalement là où tu les attendais le moins juste après que les autres aient disparu, c'était chouette comme animation, suggestif. Donc effectivement, au niveau du nombre de possibilités, je sens que ça doit être d'une explosion combinatoire totale.

    La seule chose que je puisse dire en léger lien à nbic, c'est qu'ils ont recruté chez un moteur de recherche à succès un homme qui attend patiemment ce qu'il considère comme le prochain palier de progrès scientifique et qui lui permettra de gagner une cinquantaine d'années de vie supplémentaires par rapport à l'espérance de vie qu'il a maintenant ; il pense qu'on va pouvoir éliminer un cancer éventuel qu'il contracterait et il ingurgite une centaine de comprimés par jour pour rester jeune. Comme je crois qu'il faut sûrement avoir un certain niveau cérébral pour être recruté par la boîte en question au poste auquel ils l'ont recruté, et que son argumentation a l'air assez sensée, je reste très interrogative. L'épreuve du réel nous donnera peut-être quelques éléments de réponse.

    Enfin pour le test de Turing, c'est celui qui me convient le mieux : il faut raisonner en terme d'entrées / sorties ; un cerveau doit être organisé totalement différemment d'un individu à l'autre, au niveau des liens neuronaux entre concepts pas au niveau des aires cérébrales (l'exemple typique étant que d'un point de vue langagier par exemple, les inuits ont 20 mots pour la neige et nous un seul ; le nombre de liens (je dis nombre de liens à cause d'une déformation théorie des graphes mais si ça se trouve, il s'agit d'une profondeur de sillons, je ne sais pas) vers le mot algèbre au hasard doit être sûrement beaucoup plus grande dans certains cerveaux que dans d'autres), en fonction de l'expérience vécue. Ce à quoi il me semble qu'on doive réfléchir, c'est donc plutôt à l'interfaçage entre les différents cerveaux (de deux humains ou d'un humain et d'un ordin, ou de deux ordin, voire plus dans tous les cas). Comment être sûr (ou du moins presque assuré) qu'on est compris, comment communiquer, comment obtenir les réponses à ses questions, cela m'intéresse définitivement davantage que l'idée de fabriquer un cerveau artificiel, je ne saisis pas le but, vraiment : je ne crois pas que le fait d'en fabriquer un nous permettrait de mieux soigner les vrais par exemple, mais là aussi, je me trompe sûrement... (encore trop long, il faut que j'aille réécouter Carmine Gallo)
  • Justement c'est la teneur de mon propos, de dire que ce qu'on est considère comme tangible ne diffère pas qualitativement des réalités mathématiques. Les atomes n'en reste pas moins réels, simplement je nie la dualité traditionnelle idée/tangible, en disant que la seule différence est qu'en tant qu'observateur doués de sens on peut percevoir la matière, d'où la notion de réalité matérielle, et l'inclusion.
    Ce qui est alors fantastique en maths, c'est qu'on parvient à définir des objets mathématiques (des idées donc) qui se trouve être conforme à ce qu'on connait de la réalité matérielle. Par exemple, on a défini rigoureusement des objets pouvant servir d'espace,sans admettre une quelconque intuition visuelle ! Et apparemment plus récemment ils ont aussi découvert le temps : Alain Connes l'évoque régulièrement. (d'ailleurs il partage ma vision de la réalité)

    Pour mon argument d'infini, dois-je conclure que tu es convaincue ? Sinon pourquoi ?

    Pour ton exemple, ce n'est pas un cas isolé, et oui cette boîte participe activement dans ce domaine.. Nous verrons ce qu'il en résulte.

    Si on ne construit pas de cerveau artificiel pourquoi se demander comment savoir s'il pense véritablement ?
    Ce qui m'intéresse plus c'est de comprendre scientifiquement la conscience, car au fond c'est de là d'où vient tout le mystère..
  • Tu joues avec les mots. Ce qu'on considère comme réalité tangible diffère des objets mathématiques parce que 3 est un objet mathématique et que je n'ai jamais touché un 3, même si j'ai "connu" 3 le jour où j'ai touché, vu, senti, goûté 3 trucs. Je n'ai jamais touché d'atome mais je ne me dis pas que l'atome est une idée. Par contre, je me dis que l'admiration est une idée. Il faudrait refouiller les cours de philo. sur les notions de signifiant et signifié, ils ont passé des heures ou des vies entières à définir tout ça très bien. Je penserai forcément moins bien qu'eux. Dis-donc, un peu de modestie, on n'écrit pas "Alain Connes partage mon point de vue", on dit "je partage le point de vue d'Alain Connes".

    Oui je suis convaincue par ton idée d'explosion combinatoire de la représentation du réel, et donc de la modélisation du cerveau, entre autres. C'est ce qui, ne serait-ce que d'un point de vue pratique, m'amène à plutôt m'intéresser aux seules interfaces. Plutôt que le cerveau, bornons-nous à la main artificielle, on se moque qu'à l'intérieur comme tu dis, notre modélisation intègre des parties qui ressembleraient le plus possible aux vrais processus biochimiques en oeuvre par exemple, ce qui nous importe, c'est que ça s'ouvre bien ou ça se ferme bien quand on le souhaite, non ? On est revenu au sujet de prédilection, à cette histoire de réalité mathématique ; je n'ai pas de légitimité pour en parler.

    A après.
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