Sens des maths, étudiants et temps

Bonjour,

Je voudrais poser une question précise aux enseignants expérimentés. De nos jours, peu d'étudiants comprennent ce que sont les maths (ce qu'est une définition, ce qu'est un théorème, ce qu'est une preuve, le sens des variables et des quantificateurs, la notion d'implication etc.). Avez-vous des éléments objectifs permettant d'affirmer que le nombre ou la proportion (ce sont deux questions différentes) d'étudiants comprenant ce que sont les maths a évolué dans le temps ? Si oui dans quel sens ? Dans la mesure du possible il faudrait essayer de tenir compte du fait que les effectifs ont évolué et du fait qu'il y a peut-être un décalage (peut-être faut-il comparer les actuels L3 aux deug première année d'il y a 30 ans, je ne sais pas).

En terme de compétence visible, on pourrait par exemple regarder la capacité à mettre en place une preuve simple (une fois que les idées sont données), la capacité à détecter une erreur ou plutôt un trou dans une preuve, le fait de comprendre que l'on prouve même les "évidences" et peut-être aussi le fait de ne pas répondre n'importe quoi (mais ceci est peut-être trompeur).

Soyons clair : je ne parles pas de l'habileté technique, de la maîtrise de telle notion plutôt que de telle autre. Je voudrais essayer de ne parler que de l'accès au sens des mathématiques.

Mon expérience personnelle est trop courte pour répondre à cette question.

Merci,
H.

Réponses

  • Dans les classes maths la proportion est passée d environ 20-50% dans les années 80 à 1/2000-1/200 dans ces MEMES classes
  • T'as des références ccnc ?

    Bruno
  • @Bruno je poste de mon tel suis parti du cyber je ne pourrai pas détailler. Les références c'est mon étude personnelle de 95 à 2014. Mais j'ai très sérieusement exploré cette question beaucoup plus qu'il n'y parait en lisant mes posts.

    Il n'existe probablement pas d'autres études puisque la question posée par H n'est probablement comprise et délimitée convenablement par personne pouvant en même temps conduire une étude sérieuse: les compétents travaillent à autre chose que ce genre de sociologie et les milieux "etudieurs de ce genre de choses" sont hélas gangrénés par des charlatans qui se sont immergés la justement pour cacher leur incompétence (on y trouve d ailleurs tous les défenseurs modernes du pegagogisme qui perorent pour donner illusion et s auto démasquent en étalant leur ignorance de maths \neq culture)
  • Bonjour,
    Petit témoignage personnel.
    Lors qu'une réunion de parents d'élèves pour ma fille ainée, il y a un peu plus de 20 ans, je discutais avec son prof de Maths (terminale S). La discussion en est venu sur ce que je faisais. J'en suis arrivé à lui parler de certaines propriétés de la parabole. Il les ignorait, il a pris un crayon et un papier et a vérifié (le calcul est rapide). Proposez ce genre de truc à un prof actuel, il répondra des choses du genre "oublie tout ce qu'on t'a appris" ou "là, je suis ébahi (moqueur)". Concernant cette question précise posée par H, j'en ai assez souvent discuté avec elle (elle est docteur en physique et diplômée d'une bonne école d'ingénieur de Grenoble) elle m'a expliqué qu'on leur faisait apprendre des tas de trucs, mais ça ne se rattachait à rien. Bref, la compréhension des choses ne faisait pas partie de leur enseignement.
    Bien sûr, ce témoignage est à prendre comme tel, mais il semble confirmer les constatations de Christophe.
  • @Christophe : merci (je sais que tu as déjà détaillé ces choses de-ci de-là).

    @Bruno : as-tu une opinion sur la question ? Tu fais je pense partie de ces enseignants expérimentés :-).
  • Je n'ai aucune opinion justifiée, je suis ébahi par les chiffres de Christophe, c'est tout. Quant à mon expérience c'est 34 ans d'enseignement à l'université Blaise Pascal à Clermont.
    dlzlogic : a écrit:
    Proposez ce genre de truc à un prof actuel, il répondra des choses du genre "oublie tout ce qu'on t'a appris" ou "là, je suis ébahi (moqueur)".

    A ma connaissance, le seul interlocuteur du forum à avoir utilisé l'expression "je suis ébloui" c'est toi ; et je trouve le "oublie tout ce qu'on t'a appris" strictement diffamatoire.

    Bruno
  • OK merci.
  • J'ai quand même une anecdote sur le sujet, elle prouve que le problème est ancien. Vous êtes sans doute trop jeunes pour vous souvenir de Lucienne Félix (1901-1994), une grande dame des mathématiques, ancienne assistante d'Henri Lebesgue. Elle a écrit un jour, probablement dans une revue de l'APMEP, qu'un élève ayant trouvé comme réponse à un problème que les moutons d'un troupeau avaient un nombre abracadabrant de pattes, elle lui avait demandé "Et ça ne te choques pas ?" à quoi l'élève avait répondu : "Oh ! Mademoiselle, en maths faut s'attendre à tout !" :-D

    Bruno
  • Jai hésité entre la borne 1/200 et 1/100 on peut peut être aller jusqu'à 1/100.

    Jai lu très précisément la catégorie ciblée par H (je le redéfinis par "qui est capable de corriger même éventuellement trop sévèrement * mais correctement n'importe quel texte proposé comme démonstrations", compétence facile** a acquérir en une semaine en partant de rien et qui caractérise l'État matheux. )

    J'ai une meilleure def mais pas de mon téléphone

    ** ne préjugeant de rien à priori de lAUTRE compétence (aptitude a produire les textes)

    * mettre trop de "a justifier" dans la marge
  • Pour $n\geqslant3$, l'équation $x^n+y^n = z^n$ n'admet pas de solutions entières non nulles. J'ai trouvé une démonstration merveilleuse, mais je poste de mon téléphone portable.

    Pierrot
    Personne n'a raison contre un enfant qui pleure.


  • Rooooo ev : bon "être capable de résoudre avec preuve a l appui n importe quel exercice faisable de maths si disposant d un temps illimité" (mais de mon téléphone, je ne preciserai pas les détails formalisant ça)
  • Dlzlogic a écrit:
    Proposez ce genre de truc à un prof actuel, il répondra des choses du genre "oublie tout ce qu'on t'a appris" ou "là, je suis ébahi (moqueur)".

    Faudrait tester pour voir... Le problème c'est qu'on t'a vu bien plus souvent raconter des choses fausses, que des choses vraies mais non connues...
  • Je propose d'ignorer les interventions de dlzlogic. Il connaît une adresse où il peut m'envoyer un message (que je ne lirais pas).
  • @cc
    Dans le même état d'esprit: Tout problème NP-complet se résout de façon triviale.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Je me souviens qu'arrivant en 1er année de DEUG (L1 maintenant) dans les années 80 on avait un test collectif dans les premières séances.
    (je ne me souviens pas avoir bien réussi, j'ai du avoir un résultat moyen comme d'hab')
    Existe-t-il des tests qui permettraient de vérifier, dans un certain sens, la compréhension des mathématiques (le bon sens?) des étudiants? Si tel est le cas, est-ce utilisé quelque part?
    Si les deux réponses sont négatives, ne serait-ce pas un projet à mener que d'écrire un tel test?
    Cordialement.
  • La notion de bon sens est tellement vague que non il n'existe pas de tel test.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @fous c'est bien pour ça que cette def est théoriquement parfaite

    @fdp: je fais ça tous les jours ce genre de test (hors juillet août)
  • @Fin de partie : je me souviens qu'il y a un an ou deux, cc nous avait montré un de ses tests visant à détecter qui est matheux et qui ne l'est pas.
  • Paf:
    CC instruit toujours à charge (i.e: chercher à prouver que son point de vue est le bon) alors je me méfie de ses tests.
    Mais je veux bien reconsidérer mon jugement à l'emporte-pièce à la lecture d'un de ses tests.
  • Pardon foYs pour l'erreur de frappe (touche ou complétion automatique du tel)

    @paf oui c'était en milieu d'un fil et vite. Mais je dois en avoir des tonnes en stock je les mettrai. En gros ça consiste a poser des questions évidentes qui sont perçues "difficiles" par qui ne parle pas le LM et donc voit du chinois sans référence à réciter plutôt que la couleur du cheval. . .

  • Des exemples de "bon sens":

    - Se rendre compte qu'en lisant un résultat puis en le calculant , si on ne trouve pas la même chose, alors il y a un problème.
    (souvent dans des exos de bac de terminale une partie lecture graphique permet d'avoir une idée des variations d'une fonction et dans une seconde partie, c'est établi par le calcul. C'est assez navrant de constater que des élèves ne se rendent pas compte que les résultats trouvés dans les deux parties de l'exercice sont incohérents)

    - Avoir une idée du résultat qu'on va obtenir en calculant.
    Exemples:
    Si on additionne que des nombres positifs, le résultat ne peut pas être négatif.
    Si on cherche une distance et que les calculs donnent un nombre négatif il y a un problème.
    Si on calcule une probabilité on ne peut pas obtenir un nombre strictement plus grand que 1.
    (la liste est non limitative , vous pouvez la compléter avec vos exemples "préférés")

    C'est cela que je veux dire par bon sens.
  • Tu débarques : ce que tu appelles bon sens est "l' état matheux". Pour un NM ce que tu dis là est du chinois. Tu commets la même erreur que Parisse

  • Parce que tu crois qu'il faut être matheux pour savoir qu'on ne peut pas être à deux endroits en même temps au même instant, que lorsqu'on tombe d'un arbre on chute vers le centre de la terre, qu'une porte ne peut pas être ouverte et fermée en même temps, que la pluie ça mouille, que sur un marché on ne peut pas acheter -2kg de patates etc..

    Le catalogue que j'ai commencé à dresser dans mon message précédent est du même ordre.

    Mais peut-être t'ai-je mal compris, tu es peut-être en train de m'expliquer que la plupart des jeunes de 12-30ans sont dans la perte de l'appréciation de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas et que les matheux seraient les gens qui sont en phase avec le réel et que les "non-matheux" ne le seraient pas. B-)-

    Il parait que dès le plus jeune âge un enfant sait/appréhende que de la pâte à modeler, qu'elle soit présentée sous forme de boule ou sous forme de longue ficelle représente la même masse si dans les deux cas, par exemple, on lui a mis entre les mains 200g de matière (il faut qu'il puisse soupeser).
    J'ai donc l'impression que le bon sens n'est pas lié à une activité humaine particulière.
    C'est à dire que celui qui n'en a plus, n'en aura pas davantage très probablement dans d'autres situations que devant un exo de mathématiques.

    PS:
    CC:
    Je serai intéressé que tu remettes dans ce fil un lien sur un test que tu proposes pour évaluer ce que tu appelles l'"état matheux" (si j'ai bien compris la dénomination). Merci.
  • Et pourtant, Fin de partie, tu constates toi-même comme beaucoup d'entre nous que les élèves manquent du bon sens le plus élémentaire dans leurs copies. Je suis d'accord avec toi qu'il y a chez beaucoup d'élèves une idée "je dois absolument écrire quelque chose, même n'importe quoi, parce que c'est pas bien de rien écrire", mais ça ne suffit pas à tout expliquer !
    Dès qu'il y a une définition un peu abstraite, la plupart sont incapables d'en faire quelque chose. Prenons par exemple la définition de la courbe $C_f$ d'une fonction $f$ au lycée : beaucoup d'élèves n'arrivent pas à appliquer $(x,y)\in C_f \iff y=f(x)$ à un exemple concret. Qu'est-ce que ça prouve ? Qu'ils ne comprennent rien à ce qu'est une définition, à ce qu'est une équivalence et au sens d'une expression littérale (notamment l'idée qu'on peut remplacer par n'importe quel élément de l'ensemble de définition). Bref, qu'ils ne comprennent rien au langage mathématique comme le dit cc : pour eux, les maths, c'est du chinois et donc, ils vont raconter à peu près tout ce qui leur passe par la tête. En particulier, ce qui nous apparaît comme une incohérence flagrante leur apparaît comme pas étonnant : quand on aligne des symboles sans les comprendre, qu'on change "truc" en "antitruc" ne change rien à l'affaire.
  • Paf:

    Le bon sens est stratifié: plus tu as de connaissances maîtrisées, plus tu es équipé pour repérer une absurdité sans avoir à refaire complètement un exercice. Mais déjà avec des connaissances basiques, comme rappelé plus haut, il y a de quoi faire pour tester bien souvent et à priori, qu'une réponse est pertinente ou pas.

    Le concept de fonction est sans doute compliqué, surtout pour des élèves qui n'ont pas une maîtrise du calcul (priorité des opérations, tables de multiplication, d'addition). Les chiffres et les opérations sont une forêt de symboles qui cache tout le reste.

    Par ailleurs, Le symbole $\iff$ est perçu comme un un objet "folklorique" qui est confondu avec $=$.
    On voit souvent des trucs comme:
    $f(x)=2(x+1) \iff 2x+2$

    En français, les mots équivalent et égal ont un sens voisin (identique?) ce qui n'aide pas. B-)-
    A une époque (dans les années 90?), ce symbole était banni de l'enseignement secondaire.

    PS:
    J'ai toujours des réticences à écrire $\iff$ avec de part et d'autre des propositions fausses. J'ai l'impression, inconsciemment d'écrire un blasphème. :-D
  • Ils ne comprennent même pas $=$.

    Au temps où j'enseignais au collège on lisait $AB^2=AC^2+BC^2=9+16=25=\sqrt{25}=5$.

    Les élèves ne savent même pas ce qu'est $=$. En fait quand ils écrivaient ça ils reproduisaient plus ou moins ce qu'ils tapaient sur leur calculatrice je pense.

    En début de cours je faisais parfois des petites questions où à coup sûr les élèves allaient se planter et il s'agissait de faire de l'analyse d'erreur.
    Exemple (en 4ème) : $2 + \frac{3}{7}$, ça ne rate pas, on répond $\frac{5}{7}$. Alors on essaye de montrer aux élèves que ce n'est pas possible :
    1) expliquer que $2 + \frac{3}{7}$ est $>2$ (à l'aide d'un axe gradué). Mmmm, mouais.
    2) expliquer que $\frac{5}{7} < 1$. Mmmmm, mouaif.
    3) Et le clou : "alors vous voyez, un nombre plus grand que $2$ ne peut pas être égal à un nombre plus petit que $1$ !". Vous croyez que les élèves comprennent ça ? Prrffahahahahahahah !
  • bonjour

    je reviens à la question initiale de Hinscrit sur le sens des mathématiques chez les élèves

    les enseignants perçoivent rapidement ce sens chez les élèves de quatrième
    que ce soit sur l'ordonnancement de fractions ou la reconnaissance de figures planes

    la classe de seconde est chargée et les math servent (trop?) de critère d'orientation vers la section S, la section ES, L ou STMG
    le professeur en seconde n'a pas le droit de se tromper sur le sens mathématique chez les élèves
    la difficulté dans cette classe provient du fait que certains élèves ont un sens aigu des questions géométriques ou probabilistes
    mais ont horreur des fonctions et du calcul algébrique !

    en classes de BTS industriel ou tertiaire (que j'ai pratiquées) on sent rapidement les élèves matheux à leurs questions et remarques
    mais dans ces classes les math ne sont plus prépondérantes même parmi les disciplines scientifiques

    concernant l'évolution de ce sens mathématique d'une génération d'élèves à une autre, je ne perçois pas de changement spectaculaire
    il y a toujours eu des élèves qui n'accrochent pas aux math et d'autres qui ont des facilités et le goût des mathématiques
    nous autres enseignants nous devons répondre aux attentes des seconds sans pour autant marginaliser les premiers
    et surtout on attend de nous de faire progresser l'ensemble de façon cohérente dans la préparation de l'examen !

    cordialement
  • Très belle cette image Alannaria!
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Oui, c'est pourquoi j'encourageais Alannaria dans cette voie sur un autre fil !

    Voici une version animée. Je trouve ça fascinant.

    http://www.datapointed.net/visualizations/math/factorization/animated-diagrams/
  • Le sens des math signifirait:
    * la perception des maths, comme percevoir que l'égalité, c'est comme une balance bien équilibrée (au collège).
    * le jugement (ou plutôt le raisonnement) des maths, comme déduire une condition nécessaire d'une condition suffisante (1e année de prépa).
    * l'intuition des maths, comme l'intuition que la 3e dimension n'est que l'ombre de la 4e (rubrique math et société de mathématiques.net).

    Sauf que certains ont horreur de donner un sens aux maths et ils ont raison sur un point très important, les maths n'ont rien de sensuel.

    Cordialement.
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